Les cadavres de Taroudant ont mis les enquêteurs sur la piste d'un tueur en série, Abdelaâli Hadi, arrêté mardi. Chronologie des investigations qui ont démasqué un tueur doublé d'un abominable pédophile. Les cadavres de Taroudant ont tenu en haleine l'opinion publique pendant plus de deux semaines, avant de livrer leur mystère. Chronologie des faits. Vendredi 20 août au petit matin, des passants découvrent huit cadavre jetés sur une voie publique à Taroudant. La plupart des corps étaient si bien décomposés qu'ils étaient déjà au stade de tas d'ossements. Cinq d'entre eux, carrément des squelettes, ont été amoncelés à découvert dans un même endroit. Tandis qu'à 500 mètres de là, trois cadavres démembrés ont été mis dans des sacs en plastique. Ils étaient en décomposition. La police judiciaire de Taroudant a immédiatement privilégié deux pistes. Celle de la sorcellerie. La région est connue pour des actes de sorcellerie impliquant des sacrifices d'adolescents, avaient affirmé certains. L'autre hypothèse concernait un pédophile. Cette deuxième piste a été étayée par les investigations faites à l'Institut médico-légal au CHU Ibn Rochd de Casablanca, dirigé par le pr. Saïd Louahlia, où ont été transportés les cadavres. La mort d'origine criminelle a été établie de façon formelle. Ensuite l'âge des victimes. Deux d'entre d'elles ont 11 ans. L'âge de cinq autres se situe entre 13 et 14 ans. Et la plus âgée a 15 ans. En plus, les investigations à l'institut médico-légal ont également permis de s'assurer de traces de ligatures sur les poignets de l'une des victimes. Cette information ne laissait aucun doute sur les sévices qu'elle a subis avant sa mort. Elle a aussi orienté l'enquête vers la piste de tortures subies par les victimes avant leur mort. L'enquête semblait plus progresser dans l'Institut médico-légal au CHU Ibn Rochd de Casablanca que sur le terrain. Alors que les hypothèses les plus contradictoires étaient formulées sur l'identité du ou des criminel(s), le professeur Saïd Louahlia avait privilégié le premier, dans un entretien avec ALM (n°715), la piste d'un serial killer. Compte tenu du caractère exceptionnel des crimes en série au Maroc, peu de personnes avaient donné du crédit à cette piste. Elle sonnait trop à l'américaine pour être conforme à la réalité d'une petite ville, sentant le terroir, comme Taroudant. L'arrestation du criminel, mardi 7 août, allait pourtant confronter tout le monde à l'existence d'un tueur en série de nationalité marocaine, né à Taroudant en 1962. Abdelaâli Hadi avait trouvé l'emploi idéal : aide-gargotier à la gare routière de Taroudant. Il servait des sandwichs tout en regardant avec insistance certains clients. Particulièrement des enfants. Il réussissait à les attirer, moyennant argent, menaces avec un couteau, jusqu'au terrain clôturé où il vivait. Un lot non bâti entouré d'un mur de clôture où est aménagée une porte. Il ne squattait pas le lieu, n'y pénétrait pas par effraction : le lot appartient à son cousin qui le lui avait cédé de bonne grâce. Dans ce terrain clôturé, Abdelaâli Hadi opérait de la même façon. Il attachait les mains de sa victime, la bâillonnait avec un scotch épais, la retournait pour abuser d'elle sexuellement, tout en empoignant brutalement son visage pour lui écraser le nez . Il a étouffé de la sorte huit enfants, dans l'intervalle de trois ans. Abdelaâli Hadi a enterré, à chaque fois, ses victimes dans le lieu du crime. La décision de son cousin de bâtir une maison sur le terrain a mis un terme à son mode opératoire. Craignant que la terre remuée ne révèle les morts, l'intéressé a déterré les corps et les a jetés sur une voie publique. Le travail de ratissage de la police près du lieu de la découverte des cadavres a permis de retrouver une feuille volante où était écrit en caractères latins : HADI. Est-ce une signature délibérée ? Toujours est-il que l'enquête, menée sous la supervision directe du préfet de la sûreté d'Agadir, Abdellah Mountassir, a permis de remonter à Abdelaâli Hadi grâce à cette signature. L'intéressé en a laissé d'autres sur le terrain où il vivait : les vêtements des enfants assassinés, des sacs en plastique de la même nature que ceux où ont été enveloppés les restes des corps et un ruban de scotch.