L´affaire de Taroudant constitue une première dans les annales de la criminologie au Maroc. D'abord, on s'est jamais retrouvé devant un mystérieux serial killer, qui a lancé un défi pour les enquêteurs qui ont recouru à de multiples techniques d'investigation. Taroudant. Vendredi 20 août. Deux découvertes macabres avaient eu lieu à la voie publique et à quelques centaines de mètres de distance près de Bab Lekhmis et d'Oued Waâr. Pas moins de 8 cadavres en squelettes, en décomposition avancée et recouvraient de couche de terre. Inimaginable et horrible. Un lot de reste humain en vrac dont deux moitiés de corps humain, l´une supérieure, dépourvue de tête et l´autre inférieure, toutes deux portaient toujours des vêtements. Qui les a jetées en pleine voie publique ? À quel moment ? Pourquoi a-t-il choisi un lieu très fréquenté par les passants ? Il semble que l'auteur s'en est débarrassé, la nuit du jeudi au vendredi, 19 au 20 août, loin des yeux, après la fermeture des locaux d'un mécanicien et d'une auto-école. Il semble également que ces restes humains étaient enterrés quelque part. Des investigations policières sont aussitôt lancées. Un travail de ratissage sur les lieux de la découverte a permis de mettre la main sur une feuille en caractères latins soulignant “HADI“. Une énigme. Au départ deux hypothèses sont retenues : l'une concerne les pratiques de sorcellerie, en offrant les adolescents comme offrande au Djin qui facilite l'obtention des “Kounouz“ (trésors) et l'autre a favorisé l'implication d'un réseau de pédophilie. Au cours de l'enquête, l'Institut de médecine légale au CHU Ibn Rochd entre dans la scène. C'est son équipe, dirigé par le Pr Saïd Louahlia, qui s'est chargée à décortiquer les ossements et les restes de cadavres découverts. Son rapport a conclu qu'il s'agit des morts d'origine criminelle, que les victime sont de sexe masculin, âgées entre 13 et 14 ans et une seule âgée de 15 ans et que l'une d'elles présente des traces de violence et de ligature sur les poignets. L´examen anthropologique a conclu à des morts qui remontent à plusieurs périodes allant de 3 mois à 6 ans ou plus. Par ailleurs, la technique des empreintes génétiques a été également appliquée à l´analyse des échantillons de l´ADN, pour l´identification des restes humains en comparaison de l´ADN de 5 parents qui ont déclaré à Taroudant la disparition de leurs enfants. Sur le terrain, les investigations vont bon train. Aucune piste n'est négligée en faveur d'une autre. Des interrogations et des témoignages. Mais en vain. Le (ou les) tueur en série, qui a perpétré cette boucherie, court encore les champs. Il fallait attendre début septembre, pas moins de dix jours plus tard, un élément de la DST de la Sûreté d'Agadir et par un coup de hasard, s'est rendu compte du mot transcrit sur la feuille découvert sur les lieux de la découverte, à savoir HADI, et le nom porté par un gargotier à la gare routière. Et l'affaire s'est élucidée. Qui est-ce “HADI“ ? Il s'appelle Abdelâali Hadi, né en 1962 à Taroudant. Il est issu d'une famille modeste. Il a poursuivi ses études jusqu'au CM2, l'actuel cinquième année d'enseignement fondamental. Seulement, il n'a pas pu aller jusqu'au bout. Après la mort de sa mère, son père s'est remarié. Et la belle-mère est devenue très violente contre lui. Une réprimande qui l'a poussé à choisir la rue, le vagabondage et l'au-delà de Taroudant. Sa destination était Agadir. Il était âgé de 12 ans. En y arrivant, il a trouvé un boulot : veilleur de nuit. Deux ans plus tard, il a subi un viol collectif, il a été violé à tour de rôle par une dizaine de jeunes. Il n'a même pas pu se défendre ou être sauvé par quelqu'un. C'est l'événement qui a marqué sa vie et qui a constitué le tournant dans sa vie. Retournant à Taroudant, Abdelâali Hadi a commencé à exercer plusieurs petits boulots pour finir par aide-gargotier dans la gare routière. Un boulot et un lieu qui lui ont facilité le repérage de victimes. Un petit sandwichs pour l'une et de l'argent pour l'autre. Un appât efficace pour attirer les enfants de jusqu'au terrain clôturé où il passait ses nuits. Il s'agit d'un lot non bâti, qui appartenait à son cousin, entouré d'un mur de clôture où est aménagée une porte. Là, il abusait sexuellement de ses victimes et les tuait pour les enterrer au même lieu. Abdelâali Hadi a avoué tous ses crimes devant la police et devant la justice qui l'a condamné à la peine capitale assortie des dommages-intérêts de 195.000 DH à verser aux familles des victimes.