Les deux chefs historiques du Front islamique du Salut algérien, Abassi Madani et Ali Belhadj, ont été libérés sous conditions mercredi, après 12 ans de détention pour atteinte à la sûreté de l'Etat. Les autorités algériennes ont annoncé que les deux hommes étaient interdits d'activité politique. D'après la presse algérienne, la libération des deux hommes a été soumise à la condition qu'ils renoncent à intervenir dans les mosquées et à se livrer à des activités politiques dans les années à venir. Les autorités se sont bornées àdire que Madani a accepté les conditions de sa libération, tandis que Belhadj a refusé. Elles n'ont pas précisé que cela impliquerait pour lui. Aucun des deux hommes n'a fait de déclaration publique pour le moment. Le cheikh Madani, aujourd'hui âgé de 72 ans, et son adjoint Belhadj, 47 ans, avaient été arrêtés en juin 1991 à la suite d'une grève qui avait tourné à l'affrontement avec les Forces de l'ordre, et condamnés un an plus tard. Dans l'intervalle, le second tour des élections législatives pluralistes que leur formation s'apprêtait, en leur absence, à remporter haut la main avait été annulé sous la pression de la toute puissante armée algérienne, et le FIS interdit. Les islamistes algériens ont alors déclenché une insurrection armée qui a fait entre 100.000 et 150.000 morts, selon les sources. Elle se poursuit encore aujourd'hui, bien que plus sporadiquement. Madani avait été libéré de prison et placé en résidence surveillée en 1997, tandis que Belhadj, figure charismatique du mouvement connue pour ses prêches enflammés, a purgé la totalité de sa peine à la prison militaire de Blida, au sud d'Alger. Kemel Guémezi, le haut dirigeant du mouvement qui a confirmé leur libération, a emmené Belhadj à Alger dès sa sortie. L'imam, vêtu d'une djellaba de couleur grise et de la coiffe blanche traditionnelle des islamistes algériens, s'est rendu aussitôt à sa mosquée du quartier populaire de Kouba. Belhadj y a été accueilli et acclamé par une centaine de partisans, mais n'a fait aucun commentaire. « C'est un jour de grand bonheur pour nous. Nous attendions sa libération depuis si longtemps », a confié un de ses jeunes partisans. La mosquée de Kouba avait été placée sous haute surveillance policière, les autorités algériennes craignant que la libération des deux chefs du Fis ne déclenche une nouvelle vague de ferveur islamiste à l'approche des présidentielles d'avril 2004. Dans un entretien publié lundi sur le site Internet du FIS, Madani avait en effet invité ses partisans et ceux de Belhadj à leur manifester leur soutien par une présence massive dans les mosquées lors de la grande prière de ce vendredi. Selon le vieux cheikh, cela démontrerait le soutien de la population à leur idées et son désir de sortir l'Algérie du chaos actuel. Mais il a rappelé à ses partisans que l'état d'urgence restait en vigueur et les a exhortés à « éviter tout ce qui pourrait porter atteinte à l'ordre public ». Le Premier ministre Ahmed Ouyahia a mis en garde ces derniers jours les 32 millions d'Algériens, majoritairement musulmans, contre les dangers du FIS et des extrémistes islamistes, qu'il souhaite voir marginalisés. Fondé en 1989, le FIS souhaite la création d'un Etat islamique. La classe politique traditionnelle se méfie de l'influence que pourraient conserver Madani, mais surtout Belhadj, plus populaire. Paul de Bendern (Reuters)