Mustapha El Manouzi affirme que le contenu du dernier rapport du CCDH diffère de celui rendu par l'Instance équité et réconciliation. ALM: Le Forum vérité et justice a entamé récemment une série de consultations avec les partis politiques. Quel est l'objectif de cette démarche? Mustapha El Manouzi : L'objectif principal de ces consultations est de faire participer l'ensemble des acteurs politiques dans la mise en œuvre du volet politique des recommandations concernant notamment, les réformes institutionnelles, politiques et constitutionnelles. En fait, à la lumière de la publication par la Commission de suivi des recommandations de l'IER relevant du Conseil consultatif des droits de l'Homme de son dernier rapport et après que le FVJ a présenté ses observations sur ce sujet, nous avons décidé de commencer notre programme de militantisme par la tenue de rencontres avec les partis politiques à propos de l'évaluation de la scène politique et des possibilités de mise en œuvre des recommandations de l'IER. Ces rencontres ont pris la forme de trois modalités de travail. La première forme concerne la consultation avec nos alliés dans le rang démocratique. Pour la deuxième forme, nous allons procéder à l'échange des avis et des données avec les formations politiques qui participent à la prise des décisions. Ensuite et à la lumière des résultats de ces deux premières étapes, nous allons entamer des négociations et des plaidoiries avec les représentants de l'Etat et des institutions publiques. Ainsi, nous aurions consulté tous les acteurs du champ politique. Pour l'instant, nous avons presque achevé les consultations avec les partis politiques et nous sommes en train de préparer la deuxième étape. Quelle évaluation faites-vous de la mise en œuvre des recommandations de l'IER? L'Etat et la société ont encore du pain sur la planche pour achever la mise en œuvre des recommandations de l'IER, notamment pour ce qui est du dossier de mettre la lumière sur la vérité, qui n'a pas connu de progrès tangible. Il y a aussi ce qui a été dit à propos du destin des victimes. La contradiction des données et la régression en comparaison avec le rapport final n'ont pas été en faveur de la vérité. La question qui se pose est celle de savoir qui est en mesure de poursuivre la mission pour laquelle a été désigné le président du CCDH, et pour laquelle une commission pour le suivi de la mise en œuvre des recommandations a été installée, surtout que le classement de ce dossier semblerait proche. Certains services n'auraient pas suffisamment collaboré et le CCDH n'a pas communiqué sur certaines difficultés qui entravent son action, lui qui s'est toujours considéré comme un coordinateur uniquement. Le contenu du rapport du CCDH diffère de celui rendu par l'Instance équité et réconciliation. Précisément, quelles sont les recommandations dont la mise en œuvre n'a connu aucun progrès? Et que reprochez-vous au juste au CCDH? Les recommandations qui n'ont connu aucun progrès se rapportent à l'établissement de la vérité, les réformes institutionnelles et législatives, la réparation individuelle dans le domaine du règlement de la situation administrative et financière des victimes et relativement l'intégration sociale. En plus, il y a plusieurs critiques en ce qui concerne la réparation communautaire. En fait, un amalgame flagrant persiste entre la réparation communautaire selon les dispositions de la justice transitionnelle et la mise en place de projets générateurs de revenus établis dans le cadre de l'Initiative nationale pour le développement humain. Je pense, par ailleurs, que la principale cause qui explique l'absence de mise en oeuvre des recommandations relatives au volet politique c'est l'absence d'une volonté politique réelle. C'est ce qu'a affirmé, à plusieurs reprises, le président du CCDH, en précisant que le dossier de l'établissement de la vérité le dépasse et que les acteurs politiques doivent jouer leurs rôles dans ce cadre. Ainsi, la principale reproche que nous avons contre le CCDH c'est qu'il nous a fait perdre beaucoup de temps avant d'annoncer son incapacité d'accomplir sa mission. A cela s'ajoute le fait que le CCDH n'a pas fait participer les militants des droits de l'Homme et les victimes des violations, notamment le FVJ. Ceci suscite des interrogations sur l'indépendance, l'efficacité et l'audace concernant les prérogatives et la marge d'action des membres du CCDH et son président plus particulièrement. Sinon comment peut-on justifier la décision du CCDH de lever sa main sur le dossier après trois ans d'attente.