L'homme du grand et dynamique «Yes I Can» français était astreint à un exercice de modestie qui confinait à une douloureuse auto-flagellation. La prestation télévisée de Nicolas Sarkozy, à base de séduction et de reconquête, continue de faire couler beaucoup d'encre et de salive. Et pour cause. Elle fut considérée comme le grand moment d'un nouveau départ, d'une nouvelle renaissance d'un homme qui semble avoir usé toutes les ficelles de la communication et qui garde malgré tout sa capacité à surprendre. Il est vrai que, ne contenant pas d'annonces fracassantes, toute la plus-value de cette sortie nichait davantage dans les formes et ce qu'elles pouvaient induire de psychologique, voire de subliminal. Première grande leçon de cette prestation : l'homme du grand et dynamique «Yes I Can» (oui je peux) français était astreint à un exercice de modestie qui, par moment, confinait à une douloureuse auto-flagellation. Les souvenirs sont encore frais dans les mémoires de cette icône impétueuse qui hurlait dans les oreilles des Français son impatience de lutter contre la stagnation, de réformer, de faire bouger les lignes. Après avoir réussi à ébahir les plus blasés, il fut moqué ensuite pour son excès de mouvements, sans directions cohérentes, juste pour le plaisir et la nécessité de bouger. Seconde grande leçon de cette prestation, l'arrogant Nicolas Sarkozy au tempérament cassant, capable des pires bavures verbales, s'est visiblement livré à un gigantesque effort pour faire disparaître cette agressivité naturelle que l'ivresse du pouvoir crée chez les impatients. Tout en miel, tout en musique douce, avec un souffle verbal tout ce qu'il y a de zen, Nicolas Sarkozy était visiblement dans une grande entreprise qui vise à enterrer l'ancien Sarkozy et faire naître un nouveau. Plus calme, plus consensuel, bref plus aimable. Troisième grand point de cette sortie, la tentative manifeste de Nicolas Sarkozy de restaurer le fil de confiance qu'il semble avoir perdu avec les Français qui l'accusent de vivre déconnecté de leurs réalités, enfermé dans sa tour d'ivoire avec ses puissants amis du Cac 40. Son attachement explicite, pédagogique, à montrer qu'il maîtrise à fond les ressorts de la douloureuse réalité sociale française n'avait qu'un seul but : faire disparaître ce sentiment d'isolation et de déconnexion que l'opposition lui reproche régulièrement. Seul bémol dans cette grande histoire: le nouveau Nicolas Sarkozy, qui allait enterrer l'ancien, arrogant et abrasif et donner vie à un nouvel homme, modeste et consensuel, a été si souvent annoncé à coup de grandes sorties médiatiques qu'il faut une grande dose de crédulité pour y croire vraiment. En tout cas, si le président de la République semble avoir réussi, en théorie, ses exercices de style, il faut attendre les prochaines fournées des sondages pour évaluer le vrai impact d'une telle opération. En attendant, les différents commentaires de la classe politique française restaient divisés, entre une majorité présidentielle, ministres et hommes politiques, qui s'est imposée un devoir de se livrer une compétition dans l'extase et le panégyrique, et une gauche qui ne voit dans cette prestation que les derniers tours de prestidigitation d'un homme politique à bout de souffle et d'idées.