Bouazza Kherrati, président de l'AMPOC, estime que l'AMO doit montrer ses qualités pour attirer la clientèle et non pas être imposée par l'Etat. ALM: En août 2010, les assurés des compagnies privées vont basculer vers l'AMO. Qu'en pensez-vous? Bouazza Kherrati : Nous estimons que la santé est le capital le plus important de l'être humain. La santé a des répercussions directes sur la personne, son budget ainsi que le budget de l'Etat. Une personne malade coûte quatre fois plus cher à l'Etat qu'une personne saine. Nous avons au Maroc trois systèmes sanitaires. Le système public, le système privé et le système parallèle d'automédication. Le système public est géré par la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) et la Caisse nationale des organismes de prévoyance sociale (CNOPS). Ceci dit, la CNOPS est mal gérée. Les adhérents se plaignent de ses services. Elle gère mal les dossiers alors que tous les fonctionnaires sont obligés d'y adhérer. C'est un monopole d'une société financière. Pour sa part, l'Assurance maladie obligatoire (AMO), gérée par l'Agence nationale de l'assurance-maladie (ANAM), est très critiquée. Sa liste de médicaments remboursables et sa liste d'intervention sont très limitées. On nous dit toujours que c'est juste un début. Moi je dis que le début doit être fort et efficace pour attirer des adhérents.
L'ANAM sera-t-elle à, votre avis, en mesure d'assurer la gestion de l'ensemble des dossiers de maladie? Il ne s'agit pas là d'une décision judicieuse. L'ANAM est assez mal gérée pour qu'elle administre des dossiers colossaux de maladie. Par contre, les assurés des compagnies d'assurance jugent tous les services de ces compagnies excellents. La prise en charge est satisfaisante. Le remboursement se fait dans des délais raisonnables. Un consommateur est toujours content si on le sert à temps. La décision de basculer les assurés auprès des assurances privées vers l'AMO n'est pas une décision conforme à la loi notamment le principe de la liberté des prix et de la concurrence. Selon cette loi, la concurrence doit être loyale. Ce qu'il faut garantir c'est le libre choix du consommateur. Ce dernier doit avoir le choix entre les services des compagnies et ceux de l'AMO et non pas lui imposer par la loi pour avoir le monopole du marché.
Quel danger représente ce transfert? Lorsque nous aurons un seul organisme qui s'occupe de l'assurance, il y aura un monopole. Le marché de l'assurance sera monopolisé par l'État. Et qui dit monopole dit forcément risque de dictature. Car le consommateur n'aura plus le droit de discuter. Le monopole lèse souvent les droits du consommateur. D'après les témoignages des assurés par les compagnies privées, les services privés sont plus rapides et plus efficaces que les services étatiques. C'est normal, le privé est toujours animé par le souci de satisfaire les clients pour les maintenir et concurrencer ainsi les autres compagnies. Le public, pour sa part, s'impose de droit et n'est pas animé par ce souci. Normalement, l'AMO doit montrer aux gens ses qualités pour attirer la clientèle et concurrencer loyalement les compagnies et que le meilleur gagne. Elle ne doit pas imposer ses services par l'Etat. Cette imposition montre qu'il y a anguille sous roche. Les assurés de l'AMO se plaignent du système de remboursement des prix des médicaments. Qu'en dites-vous? Dans la majorité des cas, le remboursement des médicaments se fait par rapport à l'équivalant de ces médicaments en générique qui coûte moins cher. D'ailleurs, un problème se pose en ce qui concerne les médicaments génériques. Nous avons actuellement une large campagne de publicité pour orienter le consommateur vers la consommation des médicaments génériques. Alors que le médecin est le seul habilité à prescrire le médicament avec le molécule adéquat et il en assume la responsabilité. Le consommateur ne doit pas avoir le choix. Ainsi cette campagne doit être orientée au mieux vers les médecins.