A chaque attentat qui a mis en péril les intérêts français, de nombreuses voix s'élèvent pour exiger une révision de la politique de la France en Afghanistan. C'est un phénomène assez connu. Quand les soucis domestiques s'amoncellent au point de fabriquer les conditions d'un gros orage, l'actualité internationale peut avoir cet effet régénérateur qui allège la tension et rafraîchit l'atmosphère. Les récents jours que vient de vivre Nicolas Sarkozy vérifient pleinement cette thérapie. En l'espace d'un temps dense et court, le président de la République vient de recevoir le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, le président syrien Bachar Al Assad, le président irakien Jalal Talabani et s'apprête à s'envoler pour l'Arabie Saoudite pour rendre visite au Roi Abdallah. Son activité diplomatique fut si vivace que la presse qui verse de temps à autre dans l'emphase, lui tresse déjà des habits de faiseur de paix là où l'Administration Obama commence à montrer quelques limites et quelques essoufflements. Mais il existe un sujet qui synthétise à lui seul les petites préoccupations domestiques qui peuvent plomber une cote de popularité à domicile et les grandes ambitions géostratégiques d'une politique étrangère. C'est celui de l'Afghanistan. L'interrogation est de plus en plus pertinente sur la morale et la finalité de l'engagement militaire français dans ce pays aux prises avec l'infatigable guérilla des Talibans. Il est vrai que cette interrogation n'est pas nouvelle en France. A chaque attentat qui a fauché la vie de soldats français ou qui a mis en péril les intérêts français dans cette région, de nombreuses voix, notamment celles de l'opposition, s'élèvent traditionnellement pour exiger une révision de la politique de la France dans ce pays. La nouveauté dans cette séquence est que le questionnement sur la pertinence de la présence française en Afghanistan n'est pas le monopole de la gauche, les composantes de la majorité présidentielle s'y sont mises. En témoigne le débat organisé, hier lundi au Sénat, sous la houlette de son président Gérard Larcher en présence de Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères. Il est vrai que ce débat a été obtenu à la demande du groupe PS et communiste, mais le président du Sénat, l'UMPéiste Gérard Larcher, en a profité pour lâcher quelques idées qui en disent long sur les grandes hésitations qui travaillent actuellement l'exécutif français sur la question. Pour lui, la France doit absolument «éviter de devenir une force d'occupation étrangère» et doit se fixer «une perspective de départ à quatre ou cinq ans». Et Gérard Larcher de dire le but de cette mission : «Il est nécessaire que nous maintenions un certain temps pour continuer à «afghaniser» les forces de sécurité et permettre aux Afghans de prendre leur destin en main». Ce grand débat au Sénat sur l'Afghanistan intervient dans un contexte extrêmement dur pour l'engagement des forces de l'Otan en Afghanistan. Alors que les opinions en Grande-Bretagne, de plus en plus hostiles au maintien de leurs forces dans ce pays, commencent sérieusement à gêner le Premier ministre Gordon Brown, alors que l'Administration Obama tarde à rendre publique sa grande stratégie pour pacifier le pays, le doute commence à s'installer sur l'efficacité de la méthode choisie. Un doute qui n'a pu qu'être renforcé par les propos que le «New York Times» attribuait récemment au ministre français des Affaires étrangères Bernard Kouchner lorsque parlant du président afghan Hamid Kazai, il le décrit avec ce mélange de cynisme et de nonchalance: «Karzai est corrompu. OK. C'est notre homme. Nous devons le légitimer». Une telle approche a de fortes chances d'augmenter le nombre des opposants à cette présence militaire française en Afghanistan. Comme elle peut obliger le président Sarkozy à se livrer à des contorsions politiques pour expliquer comment et à quel prix humain la défense de la paix dans le monde peut se conjuguer avec la défense d'un régime célèbre pour sa corruption.