Au terme d'un séjour effectué en Mauritanie, la spécialiste des Nation Unies, Gulnara Shaninian, a affirmé, mardi, qu'en dépit de son abolition officielle, l'esclavage reste de mise en Mauritanie. L'esclavage reste de mise en Mauritanie malgré l'abolition officielle de cette pratique multiséculaire, a déclaré, mardi, une spécialiste des Nations-Unies au terme d'un séjour de dix jours dans ce pays à cheval entre l'Afrique noire et le Maghreb. Lors d'une conférence de presse, Gulnara Shaninian, rapporteur spécial de l'Onu sur les formes contemporaines de l'esclavage, ses causes et ses conséquences, a indiqué que la législation de 2007, criminalisant cette pratique n'est pas correctement appliquée dans les faits. Selon elle, les victimes ne sont pas incitées à dénoncer publiquement les abus subis. «Il existe en Mauritanie toutes les formes d'esclavage: travail des enfants, travail domestique, mariages d'enfants et trafic d'êtres humains», a-t-elle dit. «La législation n'est qu'un simple chiffon de papier si elle n'est appliquée dans les faits», a ajouté Mme Shaninian, invitant les pouvoirs publics à étoffer l'arsenal législatif existant par des lois spécifiques propres aux pratiques en matière de travail, de citoyenneté et d'immigration. Les ONG mauritaniennes de défense des droits de l'Homme évaluent à 18%, sur une population totale d'environ trois millions, le nombre d'habitants de ce pays semi-désertique vivant dans l'esclavage. Une pratique ancrée dans une solide tradition de maîtres arabo-berbères possédant ou exploitant la communauté négro-africaine. Boubacar Messaoud, du groupe de pression anti-esclavagiste SOS Esclaves, s'est réjoui des conclusions du rapporteur spécial des Nations-Unies. «Le fait qu'elle reconnaisse ces réalités est un motif de satisfaction pour nous. Cela nous aidera à convaincre les autorités de lutter contre ce problème». L'esclavage en Mauritanie a été aboli en 1981. Il concerne les descendants des Noirs asservis il y a des générations qui sont appelés aujourd'hui «Maures noirs» ou Haratines. Ces derniers travaillent en partie encore comme esclaves pour certains «Maures blancs», ou Bidhans. On ne connaît pas exactement le nombre des esclaves dans ce pays, mais on estime qu'ils sont des centaines de milliers. L'experte de l'esclavage moderne Kevin Bales estime que la proportion d'esclaves dans la population totale est la plus haute du monde. Il est à rappeler que les députés mauritaniens avaient voté en 2007 une loi criminalisant l'esclavage. Les «maîtres» qui n'abandonneront pas cette tradition risquent désormais jusqu'à 10 ans de prison. Le texte s'appuie notamment sur une condamnation de la pratique par l'Islam.