L'accession de M. Abdallahi à la présidence de la République a été rendue possible par l'action d'Ely Ould Mohamed Vall, l'ancien chef d'Etat militaire de la Mauritanie qui, à la faveur du coup d'Etat sans effusion de sang du 25 août 2005, avait renversé le président Maaouya Ould Sid'Ahmed Taya, au pouvoir depuis 21 ans. M. Vall s'était engagé à organiser un référendum sur des réformes constitutionnelles et à tenir des élections démocratiques en 2007, deux engagements tenus avant la fin de la période de transition et qui ont ouvert la voie à l'élection du président Abdallahi en mars 2007. M. Abdallahi a poursuivi les efforts de M. Vall pour instaurer la démocratie en Mauritanie, selon des analystes, en autorisant notamment la création d'associations politiques et religieuses longtemps interdites sous le régime du président Taya. « M. Abdallahi n'est pas un président populiste : il a fait des promesses raisonnables qu'il peut tenir », a affirmé Richard Reeve, un analyste indépendant de l'Afrique de l'Ouest. D'importants partis politiques islamiques, tels que le Tawassoul et le Rassemblement national pour la réforme et le développement, sont rapidement devenus des partis bien établis. « Le président a brisé un tabou vieux de 30 ans en autorisant la création de mon parti », a indiqué Jemil Ould Mansour, leader du Tawassoul. Droits et réfugiés Le président Abdallahi a également tenu un certain nombre de promesses faites à l'occasion de son premier discours présidentiel, le 29 juin 2007, pour mettre fin à l'esclavage qui persistait, malgré la loi de 1981 criminalisant cette pratique, et permettre le retour des réfugiés négro-mauritaniens expulsés de leur pays en 1989. En août 2007, l'Assemblée nationale a voté une loi criminalisant l'esclavage et rendant la pratique passible d'une peine maximale de 10 années d'emprisonnement. Si cette loi a été très bien accueillie par les associations anti-esclavagistes, il reste à savoir comment elle sera appliquée. « C'est une grande avancée », a confié à IRIN Biram ould Dah, un militant de l'association anti-esclavagiste SOS-Esclave, « même si la justice doit encore faire des progrès pour faire appliquer le texte ». « L'esclavage est difficile à déceler : il continue de se pratiquer en cachette, mais depuis le vote de cette loi, nous avons déjà observé un début de stigmatisation autour de cette pratique », a confié à IRIN Mamadou Moctar Sarr, directeur du Forum des organisations nationales des droits humains en Mauritanie (FONDAH). Des progrès ont également été enregistrés sur la question du retour des réfugiés. Le 29 janvier, une première vague de plusieurs milliers de réfugiés mauritaniens a commencé à être rapatriée avec l'aide du gouvernement et du Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), 19 ans après avoir fui les violences intercommunautaires qui sévissaient dans leurs pays. La crainte concernant les difficultés de réinsertion des rapatriés dans les communautés mauritaniennes s'est révélée infondée. Réformes économiques Dès le début de son mandat, le Président s'est aussi engagé à réduire la pauvreté en s'attaquant à la corruption, en relançant l'économie et en créant de nouveaux emplois. Mais selon la Banque mondiale, environ la moitié de la population mauritanienne vit encore dans la pauvreté. C'est dans ce domaine que les progrès ont été plus limités, ont fait remarquer certains analystes. D'après les statistiques du gouvernement, publiées le 22 avril, près d'un tiers de la population en âge de travailler est officiellement au chômage. « L'économie de la Mauritanie repose sur des bases fragiles », a fait observer un diplomate en poste à Nouakchott. Les piliers de l'économie nationale sont toujours la pêche, bien que les eaux du pays soient surexploitées, et l'extraction de minerais. D'importants gisements de pétrole avaient été découverts en 2001 à Chinguetti et à Tiof, dans le centre de la Mauritanie, et la croissance économique du pays avait fait un bond pour atteindre 11,4 pour cent en 2006, avec le début de la production pétrolière. Mais ce secteur a périclité en 2007, lorsque la production pétrolière s'est mise à chuter progressivement et que les compagnies d'exploitation ont commencé à se demander si les estimations concernant le potentiel des gisements de pétrole mauritaniens n'étaient pas erronées, ou si la mauvaise qualité des équipements était responsable de la baisse de la production. Selon l'agence Reuters, la croissance économique a chuté à 0,9 pour cent en 2007. Dans ce contexte économique, il y a « peu de marge de manuvre », a expliqué M. Reeve, surtout lorsque cette situation est aggravée par l'impact de la hausse du prix des denrées alimentaires et du cours du baril de pétrole, une réalité mondiale, sur un pays qui ne parvient à couvrir que 30 pour cent de ses besoins alimentaires. « La crise provoquée par la hausse des prix des denrées alimentaires et du carburant pèse énormément sur la capacité du Président à faire en sorte que la situation s'améliore et semble moins précaire. C'est un défi phénoménal pour un gouvernement qui entame sa deuxième année d'exercice du pouvoir », a confié M. Reeve à IRIN. Toujours selon M. Reeve, le président Abdallahi doit faire preuve de beaucoup de subtilité pour essayer de maintenir les relations de son pays à la fois avec les bailleurs de fonds occidentaux et les institutions financières internationales, tels que le gouvernement américain, le Fonds monétaire international et la Banque mondiale, et avec les institutions financières arabes, telles que le Qatar, l'Arabie Saoudite et le Koweït. Menace terroriste Selon Mark Boulware, ambassadeur des Etats-Unis en Mauritanie, le Président donne actuellement l'impression de s'attaquer aux vrais problèmes : droits humains, démocratie, lutte contre la corruption, ouverture du gouvernement et écoute des préoccupations de la population. Cette politique pourrait lui être très utile pour obtenir davantage de fonds auprès des bailleurs et attirer, dans un avenir proche, de plus grands investissements directs étrangers. Lors de la conférence des bailleurs de fonds qui s'est tenue à Paris en décembre 2007, un prêt de 2,1 milliards de dollars a été accordé au gouvernement, un montant bien supérieur au financement de 1,5 milliard de dollars sollicité. Toutefois, la menace terroriste grandissante pourrait nuire aux avancées démocratiques et aux objectifs économiques du pays, ainsi qu'à son image auprès des bailleurs de fonds. La Mauritanie a traditionnellement pratiqué un Islam tolérant qui, selon bon nombre d'analystes, aurait dû le protéger de la radicalisation islamiste grandissante qui touche certaines régions de l'Algérie et du Mali voisins. Mais le 24 décembre 2007, quatre touristes français ont été assassinés par des membres présumés du groupe Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), dans le sud de la Mauritanie. Début février, l'attaque de l'ambassade israélienne à Nouakchott a également fait trois blessés, selon le gouvernement. La crainte d'autres agressions pendant le rallye Paris-Dakar, une course qui traverse généralement le Sahara en passant par la Mauritanie, a amené les organisateurs à annuler cette manifestation pour la première fois en 30 années d'histoire du rallye. « Il n'y pas de réseau terroriste puissant ici, à proprement parler, mais il y a quelques cellules qui pourraient se répandre dans le pays », a expliqué un diplomate à Nouakchott. Selon M. Reeve, la pression vient principalement du groupe terroriste AQMI, une menace motivée par le fait que la Mauritanie continue d'entretenir des relations diplomatiques avec Israël. Mais pour M. Boulware, « le gouvernement maîtrise la situation. Les Mauritaniens, dans leur majorité, rejettent ce genre d'actions. Le développement durable, la construction de l'unité nationale, et l'institutionnalisation de la démocratie, telles sont les vraies priorités du pays ». D'autres menaces Les Mauritaniens pensent également que leur pays fait face à d'autres menaces internes que le terrorisme. Une armée pléthorique et mal entraînée, ainsi que l'évidence de plus en plus flagrante de la présence de réseaux de drogue bien établis sont des problèmes qui ne peuvent être ignorés, a affirmé Mohamed Ould Maouloud, président de l'Union des forces de progrès (UFP), un parti d'opposition. « Dans les pays où le trafic de drogue est bien implanté, cela devient un facteur d'instabilité », a expliqué le diplomate à IRIN. Un autre diplomate en poste à Nouakchott craint que le programme de réformes ne soit mis à mal par de puissantes factions restées très proches de l'ancien président Taya, qui vit actuellement en exil au Qatar. « Il y aura toujours quelques inquiétudes du côté des partisans du régime de M. Taya, car avec la poursuite du processus de démocratisation, leur part du gâteau risque de diminuer », a expliqué le diplomate. La plupart des observateurs dressent toutefois un bilan assez positif de la première année de présidence de M. Abdallahi. « Malgré de nombreux obstacles, le gouvernement a pris les mesures appropriées en matière de réforme », a indiqué un représentant d'une des organisations donatrices étrangères implantées à Nouakchott. « On attendait beaucoup du Président après les élections. Les gens sont toujours frustrés de voir que les choses ne changent pas plus rapidement, mais cela ne signifie pas qu'ils ne lui donneront pas une chance ».