La réalité vraie est qu'il n'y a rien à faire avec ce colonel fantasque. Rien à construire et rien à prémunir. La récente affaire Kadhafi, une affaire relevant strictement de la liberté d'opinion, a vu trois journaux marocains se faire lourdement condamner par la justice dans un procès ubuesque. Cette condamnation, injuste et disproportionnée, l'on se souvient, avait élargi le fossé de défiance existant entre l'État et la presse. Une vraie fracture qui à ce jour n'est pas encore réduite. Le motif de la sévérité du jugement — une motivation politique et extrajudiciaire, en fait — était que le Maroc au regard de ses intérêts nationaux devait, en sacrifiant sa presse indépendante, se prémunir des foucades du colonel libyen notamment dans l'affaire du Sahara. Voire. Le camouflet infligé à notre pays, en recevant les séparatistes, lors des festivités du 40ème anniversaire de la prise du pouvoir du colonel illuminé remet les pendules à l'heure. Nos ministres dévoués ont fait leurs valises et nos valeureux militaires, privés de défilé, leurs paquetages. La réalité vraie est qu'il n'y a rien à faire avec ce colonel fantasque. Rien à construire et rien à prémunir. Dans l'affaire du Sahara, une affaire de 30 millions de Marocains, notre légitimité ne se construit ni à Tripoli ni ailleurs. Oublier cette donnée fondamentale c'est s'exposer à tous les chantages et à tous les reniements. C'est ce que nous avons fait, en cédant sur nos valeurs, durant le procès «sacrificiel» de la presse et son jugement «diplomatique» préjudiciable, essentiellement, à notre justice. Il n'y a pas lieu, ici, de remuer le couteau dans la plaie, personne ne peut, décemment, se satisfaire des déboires de son pays. Cependant, on peut, tous, honnêtement, et définitivement, constater que le Maroc qui gagne c'est celui qui affiche sa liberté, son projet, ses choix et son indépendance. Jamais, l'autre.