Les armateurs ont beau dénoncer la paralysie du secteur de la pêche, Taïeb Rhafès reste imperturbable. Rien ne semble l'énerver, ni entamer sa sérénité de ministre bienheureux. N'est-ce pas admirable ? Le ministre des Pêches maritimes se trouve depuis dimanche 18 janvier au Sénégal où il participe à la conférence des États africains riverains atlantiques. Quand ça va mal en interne, il vaut mieux être sur le front externe. Taïeb Rhafès, qui sait être mobile pour ne pas être la cible permanente de ses détracteurs, est comme un poisson dans l'eau. Difficile de lui mettre le grappin dessus. Celui qui cristallise comme jamais les critiques des opérateurs du secteur n'est pas lui-même content de la condition à laquelle il fut réduit il y a quelques mois par le Premier ministre qui l'a dessaisi du dossier de la pêche au profit d'une commission dirigée par Abderazzak El Mossadeq. Si ce n'est pas une mise en tutelle d'un ministre plein, cela y ressemble beaucoup. Mais M. Rhafès a juré de ne pas se laisser faire et de prouver qu'il existe pas seulement à ses collègues du gouvernement et au premier d'entre eux mais aussi à ses proches collaborateurs et aux professionnels du secteur. C'est ainsi qu'il a retiré la délégation de signature à deux pontes importants du ministère, le directeur des pêches Abdellah Janati et le directeur des industries Ahmed Fassi Fihri. Ces deux hommes ont-ils commis des choses répréhensibles en signant des autorisations sujettes à caution ? M. Rhafès, tout fier d'avoir finalement dépassé son inhibition et exercé son commandement, n'a pas besoin de motiver son geste. Celui-ci se suffit à lui-même. Après la neutralisation de ce joli duo , le ministère est-il assuré de marcher mieux ? Les professionnels en doutent très fort. Pour eux, la décision du ministre, justifiée ou non, n'est pas suivie d'un changement de stratégie et ajoute au contraire à la paralysie de l'Administration des pêches et accentue le manque de visibilité dans le secteur. “ Rien de concret et d'utile ne s'est fait depuis que Rhafès est ministre des Pêches maritimes, tonne un armateur en colère. Tout se passe comme si les responsables étaient tétanisés par l'ampleur de la crise. Résultat, c'est la paralysie totale“. Un autre opérateur renchérit : “ le ministère des pêches n'a jamais sombré aussi bas dans la médiocrité. Les problèmes s'accumulent et s'aggravent sans trouver de solution. Le secteur, livré à lui-même, est au bord d'un naufrage à la Titanic“. “M. Rhafès, note un autre armateur, est un ministre magnifique qui promet monts et merveilles car il ignore tout simplement les problèmes et les enjeux du domaine“. L'intéressé semble aussi se distinguer par sa capacité de ne pas dramatiser les choses. Aucune nouvelle ne l'énerve, ni l'inquiète. Il peut rester égal à lui-même y compris face à la furie des océans et des requins. N'est-ce pas admirable ? C'est pour cela qu'il est toujours au gouvernement. N'est-il pas sorti indemne du malaise des marins-pêcheurs venus en compagnie de leur syndicat lui réclamer à cor et à cri des mesures d'accompagnement pour atténuer les effets de l'arrêt de l'effort de pêche sur leur situation déjà difficile? Les intéressés, qui ne travaillent plus que 4 mois par an depuis la prorogation par le ministre du repos biologique pour le poulpe, comptent revenir à la charge en organisant, le jour de l'Aïd El Kébir, avec leurs familles un sit in devant le siège de ministère. Taïeb Rhafès n'est pas loin de soupçonner un complot du lobby des marins pour lui faire gâcher la fête de la viande qu'il semble aimer plus que le poisson.