Le ministre a finalement mis fin à l'arrêt biologique ce 15 décembre. Mais, Mohand Laenser hésite encore à s'attaquer aux problèmes de fond : la pêche informelle et les quotas pour les poulpes. L'arrêt biologique prend fin aujourd'hui. Mais, pour les armateurs, soulagés de reprendre l'activité, l'heure est loin d'être à l'euphorie. Renchérissement du fuel, problèmes d'approvisionnement, situation financière difficile. Et surtout, le problème de la pêche informelle. Or, comme en témoigne un armateur membre de la Chambre maritime d'Agadir, au lieu de s'occuper de cette problématique, le nouveau ministre s'entête à convaincre les armateurs à respecter une matrice. Il s'agit en fait d'une sorte de protocole renfermant les engagements et les conditions d'accès à la ressource. Mais comment protéger les ressources avec 300 bateaux pêchant sur le segment hauturier, 400 sur le côtier, et une myriade de barques artisanales qui se développent de jour en jour, s'exclame un autre opérateur convaincu que le ministre tourne le dos aux vrais problèmes ? En gros, les patrons organisés en entreprises, reprochent à leur ministre de trop s'oublier dans les réunions et les consultations et de vouloir redorer coûte que coûte son blason en se faisant passer pour un homme de dialogue. Choses louables peut-être, mais il faut passer aux autres étapes. «Certes, l'actuel ministre doit être félicité pour son volontarisme, mais il ne doit pas se laisser prendre au piège. Les vrais problèmes, ce sont la pêche informelle et les quotas du poulpe». déclare un autre armateur. A l'Omnium marocain des Pêches, l'une des plus grandes flottes marocaines de la pêche hauturière, l'on veut quand même rester optimiste. «Si tout le monde respecte la fameuse matrice, tout ira bien», répète-t-on à la Direction générale de l'entreprise. Sentiment assez diffus ailleurs. A la Chambre maritime d'Agadir et d'une manière générale dans la plupart des associations patronales associées à ces fameuses consultations dont raffole le ministre, l'on se garde de proférer des critiques. Mais l'on n'est pas moins conscient de l'urgence de la résolution du problème posé par le secteur informel. C'est une question de survie ou de mort. «Si le ministère est incapable de résoudre ce problème, celui de la sur pêche, la préservation des ressources, la mise à niveau des navires, quel est son rôle?», s'exclame colérique un professionnel de la pêche artisanale pour qui, « vu l'inaction de la tutelle, la pêche informelle a encore de beaux jours devant elle». Et d'ajouter, «le ministère doit être au moins capable de dire avec précision le nombre de licences distribuées. Sinon, il doit disparaître». Il faut le dire, comme ce fut le cas avec son prédécesseur, Mohand Laenser a été contraint de reconduire les mêmes quotas que ceux attribués l'année dernière. Théoriquement, la décision serait prise sur la base d'un rapport émanant de l'Institut national de recherches halieutique. En fait, la décision du ministère de l'Agriculture et des Pêches maritimes s'est matérialisée dès les premières prises de contact avec les patrons. Le rituel aura été le même, suivi de bout en bout avec la réactivation des inévitables commissions. Mis sous pression, Laenser pouvait difficilement aller à l'encontre des armateurs. La sortie du petit bateau de l'INRH (24 novembre) censé faire le diagnostic de la situation (évaluation de la biomasse) a inspiré d'ailleurs bien des anecdotes, les jeux étant faits d'avance. Très utile, ces rondes rapides servent selon le ministère, à fixer les quotas. Le ministère a reproduit le même schéma que ceux des années passées. Comme Taïeb Rhafès, du temps où celui-ci croyait à la vertu des arrêts biologiques comme seul moyen de sauver les ressources, M. Lanser semble suivre le secteur dans ses flux et reflux. Tant pis si au passage, les fameux plans de la pêcherie en prennent une tasse. Et surtout, si le stock de poulpes, tombé de 100 000 Tonnes en 2001 à 8000 actuellement, d'après des estimations ministérielles, s'en trouve plus exposé. La solution de ce problème passe par la lutte contre la pêche informelle. Entre 2000 et 5 000 barques exercent illégalement. «Aucun des ministres qui se sont succédé à la tête de ce département n'ont abordé de front cette question capitale», souligne un membre de l'Association de la pêche artisanale. D'après cet opérateur basé à Dakhla, la dernière étude sérieuse sur la question de la pêche artisanale remonte dans le milieu des années 80. «Aujourd'hui, on nous assène des chiffres, mais toujours dans le souci de minimiser le problème». Le nombre de barques dépasserait les 10000. Le ministère qui ne veut pas délivrer plus de 2 500 licences devra pourtant se résoudre à prendre la problématique à bras le corps. D'après les indiscrétions, Laenser en bon politicien aurait peur des conséquences sociales de l'éradication de ce phénomène, sachant que plus de 60 000 personnes vivent de la pêche informelle.