En faisant ce voyage à Téhéran, Mustapha Ramid et ses amis pouvaient-ils ignorer qu'un tel déplacement n'avait de chances d'être interprété que comme un soutien aux velléités expansionnistes de Téhéran dans le Golfe ? Un voyage inopportun. On ne peut qualifier autrement, tout en restant dans la mesure, la visite, rapportée par «Annahar Almaghribya», qu'effectuent actuellement en Iran Mustapha Ramid, membre du secrétariat général du PJD, Bassima Elhakaoui et Abdelkader Amara députés du groupe du même parti au sein du Parlement. Il va sans dire que toute formation politique est libre de fructifier ses relations internationales et de tisser des filières de solidarité et d'action commune avec les organisations dans lesquelles elle considère déceler des affinités idéologiques et politiques. A la seule condition que ces rapports ne heurtent pas la sensibilité nationale ou se retrouvent en conflit avec les intérêts de son propre pays. Or, on ne peut dire dans le contexte actuel que les relations entre Rabat et Téhéran sont au mieux. Il a suffi que le Maroc, à la suite de déclarations de milieux iraniens touchant à l'intégrité territoriale du Bahreïn, exprime son amitié au Royaume frère pour que l'agence de presse iranienne se lance contre lui dans une diatribe sans fondement. Si bien que la présence en ce moment précis d'une délégation du PJD à Téhéran prend les allures d'une façon pour la puissance invitante de narguer Rabat à travers une composante de sa vie politique. En faisant ce voyage, Mustapha Ramid et ses amis pouvaient-ils ignorer qu'un tel déplacement n'avait de chances d'être interprété que comme une provocation ou pire encore comme un soutien aux velléités expansionnistes de Téhéran dans le Golfe arabique notamment en direction du Koweït, des Emirats Arabes Unis et du Bahreïn ? Si tel est le cas, leur attitude serait d'une légèreté incommensurable. En son temps, Allal El Fassi, l'un des principaux fondateurs du mouvement national et leader historique de l'Istiqlal, avait posé les limites de toute diplomatie parallèle : ne jamais se retrouver en situation qui pourrait paraître équivoque pour l'intérêt de son Etat au profit d'un Etat tiers ni critiquer son pays à partir de l'étranger. Deux principes simples qui hiérarchisent clairement les priorités de l'opposant irréductible qu'il avait été depuis 1963 jusqu'à son décès en 1974. D'autres temps d'autres mœurs ? C'eût été un moindre mal. Malheureusement, ce type de comportements émanant de différents acteurs de la vie médiatico-politique au bénéfice de puissances étrangères telle que l'Espagne, voire parfois l'Algérie, semble couver une fragilisation du sentiment d'appartenance à la nation et risque par sa perméabilité à des influences extérieures intéressées de nuire au lien national. Pour l'instant, ce risque est minime tant il demeure le fait d'une extrême minorité en mal d'agitation. Mais ne pas y faire attention ou le traiter avec nonchalance sont de nature à permettre au sirocco de se transformer en tornade. Jusque-là le Maroc et les Marocains sont restés inaccessibles aux sirènes de la « révolution islamique » décrétée apte à l'exportation par Khomeiny au lendemain de son accession au pouvoir en 1979. Mais le chiisme khomeyniste n'a pas cessé son activisme et son prosélytisme en direction des pays sunnites. Sur le plan doctrinal en insufflant à ses thèses une dynamique nouvelle. Sur le plan politique en infiltrant des mouvements sunnites tel que le Hamas tout en utilisant le martyre de ses militants en modèle. Au niveau médiatique par une forte occupation de la télévision satellitaire (Al Manar, Al Aalam et une présence remarquée dans Al Jazeera) ainsi que par la production et le financement de nombreuses publications et revues. Au Maroc, en latence jusqu'à ces deux dernières années, le prosélytisme chiite avec ce qu'il comporte comme schismes et dissensions s'est revigoré pour devenir plus agressif dans plusieurs régions du pays. Mais peut-être c'est la discorde intrinsèque au chiisme que les trois députés sont allés chercher à Téhéran.