L'Association démocratique des femmes du Maroc a organisé, jeudi 27 novembre, un sit-in devant le parlement pour faire valoir le droit des femmes au partage des terres collectives. Rabéa Naciri, présidente de cette association, estime qu'il est temps de leur rendre justice. ALM : Vous avez tenu jeudi un sit-in devant le Parlement pour dénoncer la discrimination à l'égard des femmes «soulaliates». Pourquoi aujourd'hui ? Rabéa Naciri : Nous avons décidé d'organiser ce sit-in pour soutenir ces femmes dans leur combat pour recouvrer leur droit de bénéficier des terres collectives. Jusqu'à présent, elles n'ont jamais eu le droit d'exploiter ces terres malgré les avancées qu'a connues la société sur le registre des droits de l'Homme. Il est temps que les «soulaliates» soient reconnues comme des ayants droit au même titre que les hommes. Nous avons aidé ces femmes à briser le silence sur cette discrimination en organisant des rencontres avec la presse, mais aussi en déposant des plaintes à l'encontre des responsables, en l'occurrence le ministère de l'Intérieur. En quoi consiste concrètement la discrimination à l'égard des femmes «soulaliates» ? Le droit coutumier consacre uniquement aux chefs de famille le droit de bénéficier dans la collectivité ethnique des terres dites «Jmouâ». Les chefs de famille sont, bien entendu, les hommes mariés. Cela dit, il faut noter que le statut d'ayant droit est également reconnu aux jeunes de sexe masculin âgés de 16 ans. Les femmes, chefs de famille, sont totalement exclues. Ce qui est inacceptable, c'est de constater que les terres collectives qui ne devraient être ni cédées ni faire l'objet d'une appropriation, sont actuellement cédées au secteur privé et public. Ces cessions de terres ont entraîné non seulement une réduction du patrimoine, mais surtout l'exode et l'appauvrissement de ces femmes, étant donné que les hommes sont les seuls à avoir reçu des indemnités sous forme de lots de terrain et de sommes d'argent. Après avoir été expulsées de leurs terres, elles se retrouvent du jour au lendemain dans la rue sans rien. Ces femmes sont amenées à endurer la pauvreté et à trouver refuge dans les bidonvilles. Que demandent ces femmes pour recouvrer leur droit ? Elles demandent d'arrêter les cessions des terres collectives ainsi que les compensations annuelles liées à l'usurfruit de ces terres jusqu'à ce qu'une solution équitable soit trouvée et jusqu'à ce qu'elles soient reconnues comme des ayants droit aux terres collectives. Nous soutenons leurs revendications pour trouver une solution légale définitive reconnaissant les droits aux terres collectives à toutes les parties prenantes et plus particulièrement les femmes «soulaliates». Que fera votre association pour obtenir gain de cause ? Nous préparons actuellement une action en justice devant les tribunaux administratifs à l'encontre du conseil de tutelle. Cette action s'explique par le fait que ces femmes continuent d'être victimes de discrimination en raison de l'irresponsabilité de ce conseil et de la part des représentants de la Jamaa. Selon le dahir de 1919, les terres collectives sont placées sous la tutelle du ministère de l'Intérieur. Leur gestion (partage, location) est confiée aux groupements ethniques sous la surveillance du tuteur et le contrôle du conseil de tutelle. Les listes des ayants droit sont établies par les «nouabs» (mandataires) des «Jmaâs» (groupements) et homologuées par arrêté du ministre de l'Intérieur. Combien de femmes «soulaliates» compte le Royaume? Et quelle est la superficie totale des terres collectives ? Nous n'avons aucune estimation à ce sujet. Mais il y aurait des centaines de milliers de «soulaliates» au Maroc. Quant aux terres collectives, il faut noter que l'assiette foncière relevant de ces terres est considérable. Elles constituent un riche patrimoine. La superficie totale de ces terres est de 10 millions d'hectares si l'on compte la superficie agricole utile et les terres de parcours.