Elles sont plusieurs dizaines de femmes à s'être rassemblées, jeudi, devant le Parlement pour protester contre leur privation de bénéficier du partage des terres collectives, au même titre que l'homme. Une nouvelle bataille sur fond de discrimination s'annonce. Les terres collectives, il est vrai, ne devraient ni être cédées ni faire l'objet d'aucune appropriation. Ces terres appartiennent à l'Etat. Jusqu'ici, quoi de plus normal. Naturel. Mais ce qui l'est moins, c'est que l'exploitation de ces terres concédées par l'Etat ne profitent qu'à l'homme. Le droit d'exploitation se perd avec la disparition du chef de famille, et la femme n'a plus que les yeux pour pleurer. Au même titre que la femme divorcée. On peut allonger à l'infini la liste des drames auxquels cette discrimination a donné lieu. Un long cortège de désagréments qui ont fait que nombre de femmes se retrouvent privées de l'unique source de subvention aux besoins de leurs enfants. Cela ne date pas d'aujourd'hui. Beaucoup d'eau a coulé sous les ponts, sans que cette injustice soit réparée. Mais alors pourquoi les associations féministes ont attendu jusqu'à aujourd'hui pour monter au créneau. Jeudi dernier, plusieurs dizaines de femmes dites «soulaliates» se sont donné rendez-vous devant le Parlement, à l'initiative de l'Association démocratique des femmes du Maroc, pour crier à l'injustice. «Les cessions de terres collectives par l'Etat au profit des promoteurs immobiliers ont entraîné non seulement une réduction du patrimoine foncier mais aussi et surtout l'exode et l'appauvrissement des femmes soulaliates étant donné que les hommes sont les seuls à avoir reçu des indemnités sous forme de lots de terrain ou de sommes d'argent», explique Rabéa Nacéri. La politique d'encouragement du logement social, - une initiative très louable -, ne fait pratiquement pas que des heureux. Que ce soit parmi les promoteurs immobiliers, ou chez les familles en quête d'un logement décent. Et c'est là le revers de la médaille. La cession des terres collectives à des investisseurs privés a permis de lever le voile sur une longue pratique discriminatoire envers les femmes. Pourquoi l'argent, ou ces lots de terre octroyés en guise d'indemnités, ne profitent qu'à l'homme ? Au nom de quel droit les femmes sont exclues ? Me Tarek Mohamed Sbaï, président d'une ONG chargée de la défense des biens publics, pointe du doigt «le droit coutumier». «Il est quand même étonnant que, au XXIème siècle, et plusieurs années après l'adoption du Code de la famille, on fasse encore appel au droit coutumier, discriminatoire au demeurant», relève Mohamed Sbaï, avocat au barreau de Rabat. «C'est malheureusement en vertu de ce droit coutumier que les terres collectives sont distribuées. Ce droit ne tient compte ni des droits des veuves ni ceux des épouses, et moins encore ceux des femmes divorcées», observe Me Sbaï. Le même son de cloche est relevé chez la présidente de l'ADFP. «Le droit coutumier consacre, uniquement aux chefs de famille, le droit de bénéficier dans la collectivité ethnique des terres dites «jmouâ», fait-t-elle remarquer. Comble de la chose, il faut noter que «le statut d'ayant droit est également reconnu aux jeunes de sexe masculin âgés de 16 ans», fait-elle constater en s'interrogeant pour des femmes, chefs de familles surtout, qui sont exclues. «Il est temps que les femmes soulaliates soient reconnues comme des ayants droit au même titre que les hommes», plaide-t-elle. Un plaidoyer que nombre d'ONG féministes partagent. Et décident d'agir avec énergie pour rétablir ce qu'ils appellent une injustice indigne du Maroc d'aujourd'hui.