Après une vingtaine d'années de mariage, Rabiâ, directrice de société est larguée, sans raison, par son mari. A l'âge de cinquante-un ans, Rabiâ se retrouve seule, divorcée. Cette situation est insupportable pour elle comme pour tout autre femme. Sa vie se perturbe et son état psychique se dégrade. Pendant des mois, elle occupe les divans de pas moins de six psychiatres. Sans résultats. «Mais qu'est-ce que tu as Rabiâ, tu as maigri ?», lui demande sa cousine qui la croise par hasard dans la rue. Rabiâ lui raconte alors son divorce et ses visites chez les psychiatres. «Non, non, tu n'es pas folle pour aller chez un psychiatre, c'est sûrement le mauvais œil, je t'emmènerais chez un bon fkih», l'a-t-elle rassurée, tout en se fixant rendez-vous pour le lendemain. Suivant les conseils de sa cousine, Rabiâ se rend avec elle à une maison située à derb Al Widad, quartier Aïn Chok, préfecture de Hay Hassani-Aïn Chok, à Casablanca. Vêtu d'une djellaba blanche immaculée, le fkih Brahim les a accueillies chaleureusement dans une petite chambre ornée d'une petite table sur laquelle sont placés des livres décrépits, un brasero, des amulettes et un agenda où sont inscrites les adresses des clients. Le fkih âgé de quarante-quatre ans commence à psalmodier une prière avant de lui dire : «Tu es possédée par un djin qui s'appelle Hammou et tu dois m'apporter un coq noir pour t'exorciser.» Elle a refusé et lui a expliqué qu'elle a besoin d'un fkih qui exorcise par le récit des versets du Coran. Il lui a promis de lui présenter son ami Hadj Omar, un grand fkih de Taroudant. Rabiâ lui a versé lors de cette visite préliminaire mille dirhams afin qu'il se déplace vers Taroudant. Deux jours plus tard, Brahim est à l'appareil : «Hadj Omar est arrivé, il est chez moi.» Rabiâ se précipite chez le fkih Brahim. Après avoir baisé les mains des deux fkihs, elle s'est assise tout près de Hadj Omar. Il est du même âge et presque de la même taille du fkih Brahim, vêtu lui aussi d'une djellaba blanche. Hadj Omar a commencé à réciter des versets du Coran et des mots que Rabiâ ne comprenait pas. Il s'agitait violemment comme un épileptique. «Tu es possédée par un djin très dangereux, que je ne peux t'exorciser qu'après l'achat d'offrandes et d'encens importés de l'Inde. Je dois aussi faire des aumônes aux Zaouias de Taroudant» Rabiâ lui a versé pour cette mission une première somme de cinq mille dirhams et a mis sa voiture à sa disposition. Depuis, il se rend chez elle au moins une fois par semaine. Chaque fois il mettait sa main droite sur sa tête et récitait des versets du Coran pour empocher des sommes allant de mille à cinq mille dirhams par séance. Il fallait attendre plus d'une année pour que Rabiâ se réveille de son profond sommeil et se dirige vers le commissariat de la police judiciaire de Hay Hassani-Aïn Chok pour déposer plainte. Devant les enquêteurs, Rabiâ est restée ébahie, parce qu'elle a découvert que le fkih Hadj Omar n'est autre que Ahmed, marié et père de trois enfants qui demeure à Derb Baladia, quartier Sidi Othman et non pas à Taroudant et que le fkih Brahim a des antécédents judiciaires.