Selon Mohamed Darif, spécialiste des mouvances islamistes et terroristes, les principaux accusés dans l'affaire du belgo-marocain Abdelkader Belliraj seraient les six dirigeants politiques suspectés d'être les stratèges du réseau. ALM : Le procès du réseau Belliraj a débuté jeudi dans la controverse. Certains dénoncent un procès politique. Qu'en pensez-vous ? Mohamed Darif : La présence des six leaders politiques parmi les 35 membres du réseau Belliraj a porté certains à dénoncer un procès politique. Ces derniers reprochent à l'Etat de vouloir dresser l'échafaud à ces leaders dont certains sont à la tête de partis politiques, en l'occurrence Mustapha Moatassim (Al Badil Al Hadari) et Mohamed Merouani (le parti non autorisé Al Oumma). Ces derniers étaient liés par des liens forts avec des partis de gauche (Parti socialiste unifié, pour ne citer que cette formation). Ils ont par ailleurs les faveurs de formations islamistes, dont le Parti de la justice et du développement (PJD) et le mouvement Al Adl wal Ihssane. Les politiques qui sont aujourd'hui à la barre des accusés ont souvent été considérés comme des islamistes ultra-modérés. Très souvent, on oublie que ces politiques incriminés font partie d'un réseau constitué de 35 personnes qui n'ont pas nié avoir eu des rapports avec les leaders politiques concernés. On ne parle que des six politiques, et rarement, on évoque leur appartenance à un réseau basé sur la répartition des rôles. Il y a lieu de signaler que le réseau Belliraj était constitué de plusieurs groupes aux spécialités différentes. Parmi ces groupes, il y a ceux qui étaient chargés d'assurer au réseau un soutien logistique (introduction des armes, blanchiment d'argent, etc), et il y en a d'autres qui étaient spécialisés dans l'exécution des crimes et, finalement, ceux qui étaient mandatés pour garantir une couverture politique au réseau. C'est dans cette catégorie que s'inscrivent les six leaders politiques. Ces derniers sont accusés d'avoir voulu infiltrer le milieu politique et associatif au profit du réseau Belliraj. Voulez-vous dire que Belliraj n'est finalement pas le principal accusé dans cette affaire ? Et que les stratèges réels de ce réseau ne sont autres que les six leaders politiques en question ? Quand j'ai lu le dossier d'instruction de cette affaire, je me suis rendu compte que toutes les personnes accusées avaient une relation avec un mouvement islamiste nommé «Al Ikhtiar al-islami» (L'Option islamique). Ce mouvement a été créé en 1981 par MM Moatassim et Merouani avec la participation de Mohamed Amine Ragala. Ces derniers appelaient leur mouvement « Joundo al-Islam » (Les combattants de l'Islam). Ils étaient en contact avec Al Abadla Maâ el-Aïnine et Abdelhafed Sriti (correspondant de la chaîne du Hizbollah, Al Manar). En 1992, les politiques ont essayé d'obtenir des armes et un finacement pour leur mouvement (L'Option islamique). Je précise que MM. Moatassim et Merouani ont reconnu l'accusation selon laquelle ils auraient cherché à obtenir des armes pour porter atteinte à la stabilité du pays. Seulement voilà, ils ont considéré que cela relevait du passé et qu'ils avaient reconsidéré leurs idées. Ils ont affirmé qu'ils avaient opéré une rupture avec ce passé en 1995. Comment imaginez-vous l'issue du procès du réseau Belliraj ? Le procès a certes débuté mais personne ne sait quand il sera terminé, compte tenu du nombre des accusés, de l'organisation du réseau en plusieurs groupes, ceci sans compter la complexité de la procédure à suivre (dispositions formelles, préparation de la défense, etc). Je pense que le rythme à imprimer au procès dépend également en grande partie de la position des autorités belges, qui sont appelées à ouvrir une enquête sur les assassinats perpétrés par Belliraj en Belgique, la nature de la relation qui liait ce dernier avec leurs services de renseignements … Tout cela nous amène à la conclusion que le procès est parti pour s'inscrire dans une longue durée.