Dans le cadre du débat sur l'aide publique au développement, les pays donateurs, et en particulier la France, ont publiquement reconnu que la diaspora jouait un rôle de premier plan dans le développement économique du Sénégal. Depuis quelques années, la montée en puissance des transferts de fonds suscite un intérêt croissant à l'échelle mondiale. Selon le dernier rapport de la Banque mondiale publié en décembre 2007, le montant total des transferts d'argent envoyés par les canaux officiels à l'échelle mondiale est estimé à $240bn en 2007, contre $221bn en 2006. Ces fonds jouent un rôle primordial dans la survie de nombreuses familles, et tout particulièrement au Sénégal. Les données de l'Organisation internationale du travail (OIT) indiquent que les fonds que les immigrants envoient aux membres de leur famille dans leur pays d'origine constituent une importante source de revenus pour ceux qui les reçoivent - jusqu'à 90% de leur revenu. Les dernières statistiques gouvernementales estiment à 2m le nombre de Sénégalais résidant à l'étranger, et font état d'un nombre croissant de demandeurs d'emplois qualifiés souhaitant travailler à l'étranger. Les transferts de fonds provenant de l'étranger s'avèrent supérieurs à l'aide publique au développement provenant des pays donateurs. En effet, ce sont plus de 500 milliards de francs CFA qui sont transférés chaque année par les institutions financières formelles. Selon les chiffres de l'Agence nationale des statistiques du gouvernement (ANSD), le montant moyen expédié est de 585 euros par an, dans un pays où 56% de la population survit avec moins de $2 par jour, selon la Banque mondiale. Si les estimations varient, les analystes sont de même avis sur un point : plus de 50% de ces fonds sont transférés par le biais de canaux informels, notamment par l'intermédiaire de personnes retournant au Sénégal pour les vacances. Toutefois, il faut savoir que ces transferts ne sont pas utilisés à des fins lucratives. En effet, selon les estimations du ministère des finances, 75% de ces transferts sont utilisés pour la consommation immédiate, notamment pour l'achat de produits de base. L'argent ainsi reçu permet d'acheter de quoi se nourrir, s'habiller, se soigner et de rembourser ses dettes. Ceci étant dit, un des objectifs stratégiques engagés par le gouvernement est d'encourager l'esprit d'entreprise chez les expatriés sénégalais. Le principal programme de coopération entre la France et le Sénégal dans ce domaine est « Initiatives de codéveloppement ». Mis en oeuvre en 2005 afin de favoriser la réalisation d'investissements porteurs de développement, le projet se propose d'accompagner les migrants dans le montage de projets d'investissement. Il se propose aussi de mobiliser la diaspora, et de promouvoir le développement régional. Aujourd'hui, environ 80% de l'activité économique du Sénégal est concentrée autour de Dakar, qui représente moins de 1% de la superficie du pays. Ce programme, moyennant un financement de 1.7 milliard de francs CFA, vise à soutenir les ressortissants sénégalais établis en France, qui entendent investir dans des projets de développement au Sénégal. À l'issue de trois années d'opération, 152 entreprises et 700 emplois ont été créés. Bien que 55% des entreprises créées se soient installées dans la région de Dakar, d'après la présidence sénégalaise, le montant des investissements au niveau régional est plus important qu'à Dakar. Tenant compte de cet accomplissement, l'enveloppe dédiée au projet de coopération a été augmentée à 3 milliards de francs CFA, une manne financière qui sera gérée par la Banque régionale de solidarité (Brs). Trois organismes de transfert de fonds dominent le marché, mais les potentialités des transferts suscitent un intérêt croissant auprès des banques commerciales. Western Union est toujours leader du marché depuis son implantation au Sénégal en 1995. Western Union ne propose actuellement ses services au Sénégal qu'à travers le réseau des trois principales banques du pays (la Bicis, la Société Générale et la CBAO) et celui de la Poste. Au total, Western Union compte 113 guichets dans l'ensemble du pays. Money Gram est également présent sur le marché avec 17 centres de transfert, qui ont été établis à travers le réseau de l'ex-Banque sénégalo-tunisienne (aujourd'hui devenue Attijari Bank) et celui de la Caisse nationale de crédit agricole (CNCAS). Au troisième rang arrive Money Express, une institution qui a été mise en place en 2002 par le groupe Chaka. Le coût des transferts internationaux opérés par ces établissements varie de 5% à 20%, selon la somme versée. À ce sujet, le gouvernement français a lancé un site Web permettant de comparer les prix offerts par diverses agences (www.envoidargent.fr). Les banques sont de plus en plus intéressées par ce créneau et s'efforcent d'offrir leurs services à des prix défiant toute concurrence. Ainsi, la banque marocaine Attijariwafa a ouvert des succursales en France et dans d'autres pays européens, comme la Belgique, la Hollande et l'Allemagne, afin de servir la communauté marocaine à l'étranger, et entend élargir son champ d'action à destination des expatriés d'Afrique de l'Ouest. De son côté, la Société Générale a créé un produit spécifique destiné aux expatriés, leur permettant d'ouvrir des comptes bancaires dans leur pays d'origine depuis l'étranger, de manière à bénéficier de coûts inférieurs à ceux appliqués par les agences de transferts. D'autres banques ont également établi des bureaux de représentations à Paris comme, par exemple, la CBAO, la Banque Atlantique et la Banque de l'Habitat du Sénégal. Les banques jouent un rôle de plus en plus important dans le transfert de fonds officiel, et la création de produits sophistiqués destinés à ce segment est susceptible de conférer un taux de pénétration bancaire plus affirmé au Sénégal, ainsi que la réalisation d'investissements. Deux produits ont été créés sur initiative française pour encourager les expatriés à investir dans leurs pays d'origine. Le compte d'épargne de codéveloppement (Livret d'épargne de codéveloppement) a été lancé au mois de juillet et propose une réduction fiscale d'impôt sur toute épargne investie dans le pays d'origine du titulaire du compte. Le deuxième produit, qui vient d'être lancé sur le marché et qui est aussi un compte d'épargne de codéveloppement, propose quant à lui une bonification pour une demande de prêt destinée à financer un projet d'investissement rentable dans le pays d'origine. Bien que les transferts de fonds utilisés en soutien à l'investissement continuent d'être restreints, ils sont au coeur d'un certain nombre d'accords de coopération entre le Sénégal et les pays donateurs. Ces questions figureront certainement au centre des débats lors du sommet ministériel Euro-Africain qui se tiendra à Paris les 20 et 21 octobre prochains, sous le thème de la migration et du développement. La promotion des transferts de fonds, qui sont trois fois supérieurs au flux d'investissement direct étranger, visant à soutenir le développement de l'entreprise privée au Sénégal est sans aucun doute une initiative louable et ambitieuse. Cette stratégie s'avère d'autant plus cohérente pour le gouvernement sénégalais qu'elle vise à faire reculer la fuite de compétences et à encourager les investissements étrangers. Toutefois, face au renchérissement des prix des denrées alimentaires de base au Sénégal, le véritable défi consiste à motiver les ménages à bien vouloir investir sur le long terme. • Oxford Businness Group Le 11 septembre 2008