Un rapport dont la rédaction est attribuée à l'Otan décrit avec un luxe de détails ravageur le manque d'équipement et de préparation de l'unité française tombée dans l'embuscade des Talibans le 18 aout dernier. Un coup très dur pour le ministre de la Défense français Hervé Morin. A la veille d'un débat parlementaire sur la présence française en Afghanistan, le journal canadien «Globe and Mail» dégoupille une grenade dont l'écho fait tousser de rage la grande muette française. Il publie le contenu d'un rapport dont la rédaction est attribuée à l'Otan et qui décrit avec un luxe de détails ravageur le manque d'équipement et de préparation de l'unité française tombée dans l'embuscade des Talibans le 18 aout dernier entraînant le décès de dix soldats français. Sentant le danger d'une telle information dans un contexte où l'opinion française devient de plus en plus sceptique sur la stratégie des alliés en Afghanistan, le ministre français de la Défense Hervé Morin est rapidement monté au créneau pour démystifier l'information du journal canadien. Pour lui, il ne s'agit pas d'un rapport officiel et agréé par les instances de l'Otan, à peine un «compte-rendu parcellaire effectué à chaud le lendemain ou dans les 48 heures après l'opération» par une officier du Joint Opération Center. Evoquant le manque de munitions signalé dans ce rapport, Hervé Morin s'insurge «c'est archi faux, les Forces françaises avaient leur dotation et même plus (…) L'Otan (...) elle-même a démenti l'existence de ce rapport». En plus de la dénégation des éléments de ce rapport, Hervé Morin place la sortie d'un tel document dans un contexte de «la bataille de communication» que les Talibans cherchaient à gagner face à «une opinion occidentale fragile». Et Hervé Morin d'émettre une observation qui se veut lucide : «ce document arrive dimanche, la veille du débat parlementaire (…) Je me pose simplement cette question». En plus du débat sur le degré de préparation et d'équipement de l'armée française, Hervé Morin devait gérer la mauvaise humeur d'un certain nombre d'officiers français qui se saisissent régulièrement et souvent de manière anonyme de la presse pour exprimer leurs désaccords quant à la mission des soldats français en Afghanistan. Hervé Morin devrait au moins être rassuré sur une chose : les parlementaires français ne risquaient de voter contre l'engagement français en Afghanistan. S'il est vrai que c'est le seconde fois depuis le 16 janvier 1991, date à laquelle les parlementaires avaient voté l'intervention française au Koweït, que le Palais Bourbon va dire son mot sur une opération de l'armée française dans un théâtre d'opération extérieur, tous les observateurs s'accordent à dire que la valeur du débat est plus pédagogique que politique. La veille, les députés avaient reçu un courrier de Nicolas Sarkozy dans lequel il les exhortait à l'union sacrée : «Je crois qu'il est particulièrement important que la représentation nationale (...) exprime à nos soldats et au peuple afghan le soutien clair qu'appelle leur courage face à la barbarie». Pour bien tenter de lier les pieds des socialistes et les obliger à voter pour le maintien des soldats français en Afghanistan, Hervé Morin et Nicolas Sarkozy rappellent régulièrement que la décision d'envoyer des troupes françaises dans ce pays a été prise en 2001 par le président et le Premier ministre de l'époque Jacques Chirac et le socialiste Lionel Jospin. Il est vrai que sur ce sujet sensible, les socialistes français demandent moins le retrait que la nécessité pour la France de pousser ses alliés à revoir leur stratégie en Afghanistan. Leurs doutes rejoignent les craintes de l'UMP auxquelles un mission d'enquête sur le conflit pilotée par les députés Pierre Lellouche et François Lamy donnent de la résonnance. Les deux députés n'hésitent pas à affirmer que «la stratégie de l'Otan est en train d'échouer». Alors qu'Hervé Morin était en pointe pour dénoncer les abus du fichier policier Edvige, le voilà qui semble être pris dans un cycle infernal : un flagrant délit d'impréparation et de sous-équipement de son armée constaté par l'Otan, des conséquences meurtrières difficilement supportables pour une opinion qui ne comprend pas la mission de ses soldats en Afghanistan et une communication brouillonne et contradictoire qui accentue les fissures au sein de l'institution militaire. Si Nicolas Sarkozy est le chef des armées, Hervé Morin, ministre de la Défense, a de fortes chances de payer le prix politique pour toutes ses casseroles dues à l'improvisation et la précipitation.