Nicolas Sarkozy observe ses adversaires socialistes en train de se déchirer avec la gourmandise des vainqueurs. Il sait qu'un PS affaibli aura beaucoup de mal à encadrer et à animer une opposition efficace à ses projets de reformes. L'onde de choc de la défaite des socialistes face à Nicolas Sarkozy dans la bataille de la réforme des institutions est encore en train de provoquer des réverbérations. Il ne se passe pas un jour sans que le malaise de cette déconvenue ne s'exprime avec une amertume de plus en plus prononcée. Passé le grand moment du choc où cette défaite est attribuée soit à l'acharnement du mauvais sort, soit à la multiplication des défections, les langues commencent à retrouver une lucidité agressive et les aigreurs à remonter à la surface. Le ton est d'autant plus à l'interrogation et à l'interpellation que le rôle de brebis galeuse destinée au sacrifice joué avec une forme de panache par Jack Lang est en train de connaître une incroyable fortune. Les premières consultations d'opinion (un sondage CSA pour le Parisien-Aujourd'hui en France) montrent qu'une majorité de Français évaluée à 53% lui donne raison d'avoir voté la réforme constitutionnelle tandis qu'une écrasante majorité de 64% pense qu'il ne devrait pas être exclu du PS. L'homme, Jack Lang, qui s'apprêtait à entamer une douloureuse traversée du désert et peut-être à mal terminer une longue carrière politique, redevient, par la magie d'un choix, un symbole à méditer. Silencieusement approuvé par une majorité de socialistes, bruyamment applaudi par les grands chefs de la droite, Jack Lang vit une renaissance très visible. Au point où beaucoup d'observateurs lui prédisent sinon un avenir ministériel du moins une durée de vie politique plus importante. C'est ce moment particulier que le ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner, ancien socialiste, avant de répondre aux sirènes de l'ouverture, choisit pour pilonner ses anciens camarades : «La plus grande réforme dont le pays aurait besoin, c'est peut-être la réforme du Parti socialiste, qui pourrait se mettre au diapason des autres partis frères en Europe (…) Cela ferait plaisir à tout le monde. On pousserait un ouf de soulagement et peut-être pourrait-il faire des propositions. Là, on est dans la négation perpétuelle, un peu immature». Cette charge ne suscita guère de commentaires dans le landernau. La violence de l'attaque de Bernard Kouchner s'explique par le fait que l'actuel ministre des Affaires étrangères retrouve dans le calvaire que s'apprêtait à vivre Jack Lang sa propre tragédie lorsque sous les quolibets de «traître» et de «renégat» lancés à son encontre par ses anciens camarades, il a dû faire son entrée au Quai d'Orsay. La direction du Parti socialiste, qui subit ces attaques avec un stoïcisme apparent, est devenue la caisse de résonance de nombreuses interrogations. Une de plus ravageuses fut formulée ce week-end par Razzy Hammadi, secrétaire national du PS, à la riposte qui constate : «Aujourd'hui, on n'est pas digne de la confiance placée en nous par les Français. Il faut un big bang générationnel à la tête du PS (…) On ne peut pas avoir un PS dont la direction est composée de 67% d'hommes blancs de plus de 55 ans». Parallèlement à cette autocritique, la direction du PS est en train de vivre une crise d'appareil révélatrice au niveau de sa représentation parlementaire. Cette crise fut dégoupillée par le député Gaétan Gorce, un des initiateurs du mouvement rénovateur au sein du Parti socialiste et qui dans une lettre au président du groupe PS à l'Assemblée Jean-Marc Ayrault, proteste contre «son éviction» du poste de la vice-présidence du groupe avec cette grave accusation d'être «victime d'un délit d'opinion» et cette qualification lancée à la face du PS d'être «une forteresse assiégée». Ce à quoi François Hollande répond : «Le PS n'est pas une forteresse assiégée. On discute, on débat en toute liberté mais ensuite on décide d'une position et on la respecte». Nicolas Sarkozy observe ses adversaires socialistes en train de se déchirer avec la gourmandise des vainqueurs. Il sait qu'un PS affaibli aura beaucoup de mal à encadrer et à animer une opposition efficace à ses projets de reformes. Avec en perspective un congrès de Reims des plus fratricides où le PS doit renouveler sa direction et rajeunir ses cadres.