L'augmentation du seuil salarial pour bénéficier des allocations familiales risque de provoquer l'exclusion de plusieurs milliers d'assurés. A partir du mardi prochain, les nouvelles dispositions en matière d'allocations familiales entreront en vigueur. Certes, la procédure d'adoption des décrets réglementaires relatifs à la mise en application des décisions prises dans le cadre du dialogue social seront toujours en cours, mais, le «compteur» sera déjà programmé sur une augmentation des allocations familiales de 150 à 200 DH pour les trois premiers enfants soit 600 DH au total. Une aubaine pour la majorité des salariés notamment si l'on tient compte du fait que le SMIG augmentera, lui aussi, à la même période. Décidée dans le cadre du dialogue social, l'augmentation des allocations familiales est l'un des éléments constituant un package dont le gouvernement a rassemblé les pièces constituantes afin de pouvoir améliorer le pouvoir d'achat sans déstabiliser les finances de l'Etat. Une manière de faire jugée judicieuse par la plupart des analystes puisqu'elle permet de ménager la chèvre et le chou. Aussi, le patronat s'était-il dit content des mesures prises par le gouvernement et les syndicats, même s'ils feignent leur insatisfaction en public – culture syndicaliste oblige – ils ont accepté les propositions gouvernementales. Un seul syndicat a fait l'exception, mais sa position est restée sans effet. Toutefois, aujourd'hui, cette ambiance d'apaisement créée au lendemain de l'aboutissement du dialogue social, est menacée par des mesures d'accompagnement qui risquent de tout chambouler. Notamment à la CNSS où la mise en application de la décision du gouvernement est en cours d'être déviée de son sens au point de compromettre la paix sociale. Si le gouvernement a décidé que les allocations familiales passent de 150 à 200 DH et que ces allocations soient généralisées au secteur agricole – une première -, à la CNSS, on cherche à appliquer cette décision au détriment de plusieurs milliers d'assurés. Comment ? Le salaire minimum qui rend un salarié éligible à percevoir des allocations familiales a toujours été le seuil forfaitaire de 500 DH par mois tous secteurs confondus. Sauf pour les employés du secteur agricole qui n'y avaient pas droit. Aujourd'hui, la tendance régnant dans les coulisses de la CNSS est d'augmenter ce seuil en le fixant à 60% du SMIG et du SMAG. «D'un seul coup, près de 100.000 salariés se retrouveront privés des allocations familiales», alerte un syndicaliste qui estime que ce qui se trame dans les coulisses de la «caisse» comme il l'appelle, risque de surchauffer l'ambiance alors qu'elle commençait à peine à se calmer. En effet, selon les simulations faites au niveau des syndicats, le seuil d'accès aux allocations familiales deviendra pour le régime général de 1200 DH et de 780 DH pour l'agriculture. Ce qui va priver une centaine de milliers de gens des fameux 600 DH mensuels promis dans le cadre du dialogue social à tout père de famille ayant à sa charge trois enfants et qui constituent pour lui tout une rentrée d'argent qui l'aide à supporter une partie de ses charges familiales. «Augmenter les allocations familiales pour certains tout en en privant d'autres est démarche qui va à l'encontre du principe du discours tenu par le gouvernement lors des rounds de dialogue social», estime un député de la majorité qui avoue être gêné par cette situation qui va, selon lui, «exploser tôt ou tard». Mais, des syndicalistes affirment qu'il s'agit d'une décision unilatérale du management de la CNSS et que ce dernier est tenu de passer par le gouvernement pour faire approuver des décrets notamment en ce qui concerne le seuil d'accès aux allocations familiales. «Nous comptons attirer l'attention du gouvernement sur cette question avant qu'il ne soit trop tard», promet l'un des dirigeants d'une centrale syndicale proche de la majorité. En attendant, les projets de décrets sont en cours de préparation et ils semblent s'orienter vers la formule très risquée du «60%».