Poutine est adepte d'un langage direct, nourri d'expressions familières, tandis que Medvedev pratique un discours de juriste avec des phrases riches en propositions subordonnées. Dans une interview accordée à Reuters, le président russe Dmitri Medvedev minimise ses différences avec son prédécesseur, Vladimir Poutine, mais le contraste dans le style et le ton des deux hommes est frappant. Allié de longue date de Poutine, le nouveau chef du Kremlin s'est lui-même inscrit pendant la campagne présidentielle dans la continuité de son mentor et a réaffirmé cette filiation lors de cette interview réalisée au Kremlin, annonçant de nouveau que l'essence des politiques menées par Poutine serait inchangée. «Les hommes politiques sont aussi des hommes, et ils ont leur propre ton, leur propre style. Mais cela ne change pas les principes fondamentaux de la politique», dit-il. Mais les mots choisis par le nouveau président pour exposer le message de Moscou sont bien différents de ceux qu'utilisait son prédécesseur. A aucun moment durant les 90 minutes de l'interview, Medvedev ne porte une de ces attaques anti-occidentales devenues la marque de Poutine à la fin de son second mandat sur fond de durcissement des relations entre Moscou et l'Ouest. Au contraire, pesant soigneusement ses mots, Medvedev insiste sur la liberté, l'état de droit et la propriété privée. A Moscou, analystes et diplomates sont divisés sur le nouveau président, avocat de formation qui travaille avec Poutine depuis leur rencontre, dans les années 1990, à la mairie de Saint-Pétersbourg et que Poutine a intronisé comme son successeur en décembre dernier. Pour un camp, notamment parmi les ambassadeurs occidentaux, la mise en avant de Medvedev, d'apparence plus libérale, entrerait dans un projet à long terme de Poutine pour la Russie. Dans l'autre, où se rangent des «faucons» de la Guerre froide, on observe le nouveau président avec suspicion et on s'attend à ce qu'il soit davantage qu'une marionnette manipulée par l'ex-président, devenu Premier ministre. Les propos tenus par Medvedev dans la première interview accordée à un média occidental depuis son arrivée au pouvoir, en mai, devraient plutôt conforter le premier camp. Poutine s'en prenait avec virulence aux plans d'expansion de l'Otan aux frontières russes ou accusait Washington de déclencher une nouvelle guerre aux armements avec son projet de bouclier antimissiles; Medvedev ne mentionne lui aucun de ces dossiers lourds de contentieux. L'essence de la politique étrangère de la Russie, dit-il, est de défendre les intérêts nationaux mais sera guidée par «la liberté, la démocratie et le droit à la propriété privée». Interrogé sur les critiques portées à l'encontre de la politique étrangère de Moscou, Medvedev ne reprend pas à son compte les contre-attaques sur l'hypocrisie et la politique «du deux poids, deux mesures» qu'affectionnait Poutine. Les plaintes sont normales, dit-il, et après tout, Moscou aussi a des problèmes avec des pays tiers. Les deux hommes sont issus de milieux sociaux différents: Poutine, qui a grandi dans un quartier dur, est adepte d'un langage direct, nourri d'expressions familières. • David Schlesinger et Michael Stott (Reuters)