Les chiffres révélés par l'ANRT indiquent que Wana challenge directement l'opérateur historique Maroc Telecom dans le domaine du fixe. Or, il s'agit d'une comparaison entre deux «segments de clientèle» tout à fait différents. Oser entrer en compétition avec des opérateurs ayant une large avance est une décision qui suscite le respect et l'admiration dans le monde des affaires. Les initiatives de ce genre deviennent, quand elles réussissent, des exemples que l'on enseigne dans les écoles de commerce les plus prestigieuses. Dans le monde des télécommunications, surtout, les exemples ne manquent pas : Bouygues et Free en France. Au Maroc, le lancement de l'opérateur téléphonique Wana est un challenge qui s'inscrit parfaitement dans ce registre. Aller à la conquête de parts de marché dans un secteur où deux opérateurs sont déjà bien installés est une décision courageuse de la part des initiateurs du projet. D'autant plus que ces derniers n'ont pas lésiné sur les moyens en dotant le «nouveau-né» de tous les outils qui lui permettraient de relever son défi. Toutefois, le pilotage de l'opération n'a pas été au même niveau que les moyens mis à sa disposition. Des erreurs stratégiques ont été commises tant sur le plan de la communication que des prévisions financières. Certes, les chiffres dernièrement révélés par l'ANRT indiquent que Wana challenge directement l'opérateur historique Maroc Telecom dans le domaine du fixe. Le fixe «Bayn» aurait ainsi atteint le nombre impressionnant de 1,1 million de clients à fin décembre 2007 sur un total de 2,294 millions pour la même période. Un chiffre qui, ainsi présenté, est de nature à remettre en question les dernières conclusions tirées par le management de l'ONA lors du Conseil d'administration réuni le 11 avril dernier et qui avait été couronné par la publication d'un communiqué annonçant le départ de Saâd Bendidi et expliquant cette décision, notamment, par le fiasco enregistré au niveau de la gestion de la filiale de télécommunications. Or, il se trouve que ces chiffres ne donnent pas une image réelle de la situation vu qu'il s'agit d'une comparaison entre deux «segments de clientèle» tout à fait différents. Il faut préciser que l'ANRT classe les clients de Wana sur la mobilité restreinte dans la catégorie des clients du «téléphone fixe». Un classement qui fausse la donne car il n'y a point de comparaison possible entre les deux types de clientèle vu que le produit n'est pas le même. En fait, Wana est le seul opérateur sur le segment du fixe avec mobilité restreinte. Un segment qui n'est pas comparable avec le segment du fixe de Maroc Telecom. Au-delà de cette nuance d'ordre technique, il faut rappeler que la clientèle du fixe de l'opérateur historique génère des revenus largement supérieurs à ceux de la mobilité restreinte de Wana. Le dernier Conseil d'administration de l'ONA avait, d'ailleurs, bien noté cette «performance» en termes de nombre de clientèle qui dépassait les prévisions mais il avait aussi fait état de l'énorme écart entre les attentes en matière de revenu par client et les résultats présentés par le management de la filiale. Or, la plus grande erreur d'appréciation et de prévision en matière de pilotage de l'opérateur a été d'enregistrer un chiffre d'affaires par client inférieur aux prévisions et un besoin en investissement de 70% supérieur à ce qui a été prévu. En deux mots : moins de résultat et plus d'investissement. Un double échec qui reflète une erreur d'appréciation et une gestion très approximative dans un domaine qui ne tolère pas la navigation à vue. Un mode de gestion qui a été à l'origine de la correction de cap décidée par le top management de l'ONA, le 11 avril dernier.