Certains journalistes se sont donné pour mission de faire l'outing des personnalités et de dénoncer l'homosexualité comme une menace grave pour le pays. L'inquisition n'émeut plus personne. Plusieurs dizaines de Marocains ont été arrêtés, ont passé plusieurs jours en taule, avant d'être condamnés à verser une amende de 500 DH. Ils sont accusés d'homosexualité, mais bizarrement, le procureur a préféré leur coller le trouble à l'ordre public. Cela s'est passé lors du Moussem des Hmadcha. L'année dernière, une certaine presse avait fait ses choux gras de la présence homosexuelle lors de ce Moussem. Ce qu'elle a oublié de dire, c'est que ce phénomène est une tradition établie depuis des siècles, que les processions y sont faites par des hommes habillés en femmes et outrageusement maquillés depuis la nuit des temps et que cette tolérance particulière est rattachée chez les Hmadcha à la protection que le saint, de son vivant, offrait aux gays. Pour éviter ce tollé, les autorités ont préféré la prévention et ont procédé aux arrestations que l'on sait. Les arrestations ont été effectuées sur la base des apparences, une démarche efféminée, un look non viril ont suffi. Il n'y avait ni effusions en public, ni orgie autour du marabout et surtout pas de trouble à l'ordre public.Un tel événement devrait susciter des réactions de la part des militants de droits de l'Homme, non pas pour défendre le droit à la différence, car l'on sait depuis longtemps qu'ils sont courageux mais pas téméraires, mais juste pour s'élever contre des arrestations pour délit de faciès. Il n'y a pas eu de réaction, mieux la presse concernée fanfaronne et salue le «réveil des autorités». Depuis l'affaire de Ksar El Kébir, nous nageons en plein délire homophobe. Certains journalistes se sont donné pour mission de faire l'outing des personnalités et de dénoncer l'homosexualité comme une menace grave pour le pays. Cette attitude empêche le vrai combat, celui qui combat la pédophilie. Celle-ci est ancrée au Maroc et est liée au travail des enfants. Le mélange des genres fait que cette lutte n'est menée que par quelques parents de victimes. L'homosexualité existe au Maroc comme partout dans le monde, ni plus ni moins. Ce qui est nouveau, c'est la volonté de groupes de gays de s'afficher, de conquérir des espaces. Souvent cette demande est spontanée, sauf pour quelques intellectuels qui sont dans une projection à l'Européenne. Le phénomène a eu l'effet inverse, il a réveillé les démons de l'homophobie et forcé l'Etat, très fragile face au discours moralisateur instrumentalisé par les intégristes à «sévir». Il y a peut-être une réflexion à mener par les concernés. Mais les démocrates ne peuvent continuellement opposer le calcul politique aux principes. La liberté des individus adultes de disposer de leur corps est un droit inaliénable pour tous ceux qui croient réellement dans le corpus des droits de l'Homme. Le conservatisme de la société est une réalité qui ne peut servir d'excuse aux reculades. Sur un autre registre, l'homosexualité était «tolérée». Aujourd'hui, elle est combattue par l'Etat.Cela devrait inciter à la réflexion ceux qui penchent pour les «zones de tolérance» qui sont en fait de véritables espaces de non-droit. Le combat pour les droits de l'Homme a une charpente sociétale qui s'appelle les libertés individuelles. Au Maroc, celles-ci sont souvent en contradiction avec les préceptes religieux. Au lieu de louvoyer, il faut poser la vraie question celle de la sécularisation de l'espace public, de la réduction du religieux à la sphère privée et la revendication de l'inscription de ces droits fondamentaux dans la loi. Ce n'est pas une bataille qui peut se gagner en une semaine, mais il n'y a aucune chance que la société se réveille un jour débarrassée de ses archaïsmes sans un processus de transformation. Le minimum syndical, c'est de réclamer l'application de la loi. Celle-ci impose le flagrant délit pour ce qu'elle considère comme des crimes sexuels, c'est-à-dire l'adultère et l'homosexualité. En acceptant ce qui s'est passé chez les Hmadcha nous faisons le lit de toutes les inquisitions. Demain une jeune fille jolie, habillée à la Madonna peut se faire embarquer pour prostitution, puisque les policiers décident au faciès des choix sexuels de tout un chacun.