L'audience constituée de jeunes Marocains fut agréablement séduite. Fouad Ali El Himma pétille à vue d'œil. Son savoir dire n'a d'égal qu'une sorte de timidité rentrée qu'il essaie de contenir et de combattre. Etait-ce l'air anormalement frais de Paris ou le trac revendiqué des premières fois, Fouad Ali El Himma, président de la Commission des affaires étrangères, de la défense et des affaires islamiques au Parlement et accessoirement inspirateur et animateur du tout nouveau «Mouvement pour les démocrates», a réellement fendu l'armure. Aux éclats de rires incontrôlés s'ajoutaient les traits d'humour pertinents. Un festival de petites révélations et de grandes confidences. Ce fut le week-end dernier à l'invitation de l'association «Maroc Entrepreneurs» lors d'une conférence-débat intitulée «Regards sur un Maroc en mouvement». Le préjugé établi sur l'homme l'installe dans une posture aussi engoncée et rigide que pourrait l'être celle d'une personnalité du sérail contrainte dans son expression, limitée dans son analyse. Les attentes ne dépassaient guère le plafond d'une langue de bois souple parce que intelligemment formulée. L'audience constituée principalement de jeunes marocains fut agréablement séduite. Fouad Ali El Himma pétille à vue d'œil. Son savoir dire n'a d'égal qu'une sorte de timidité rentrée qu'il essaie de contenir et de combattre. Et cela se voyait de temps à autre dans le débit haletant de son verbe. Dès qu'il prend la parole, l'axe de la réflexion est tracé. Le Maroc est en train de vivre une mise à niveaux à toutes les échelles, jusqu'à «son mode de gouvernance». Faire de «la région un élément important du dispositif étatique» n'a d'autres objectifs que de « déclencher les énergies locales». C'est cette logique de développement qui a accouché de l'option de «l'autonomie» refusée par le Polisario et «bloquée» par l'Algérie faisant du non Maghreb une douloureuse et coûteuse réalité, coût évalué par le professeur et ministre de l'Enseignement Ahmed Akhchichine à 1.8% du PIB marocain. Fouad Ali El Himma est un homme qui parle de sa région, Rhamna, comme « un Maroc en miniature avec beaucoup de problèmes et énormément d'atouts », est intarissable sur la spécificité marocaine. Dans sa gestion de la sphère religieuse le Maroc offre au monde un modèle unique vieux de 14 siècles, différent du «modèle wahabite, salafiste, extrémiste», ou du «modèle iranien chiite avec sa volonté hégémonique ». Mais le Maroc reste un «modèle agressé». L'allusion est clairement adressé au voisin algérien et sa politique belliqueuse. Et quand un intervenant interpelle Fouad Ali El Himma sur le degré de préparation de l'armée marocaine pour contrer ses menaces, il lance, comme une évidence difficile à atteindre, cette affirmation : «Le Maroc est le seul pays dans la région qui maîtrise à 100% son territoire» et d'enchaîner que «l'armée marocaine veille à ne pas être infiltrée par l'extrémisme religieux». Se livrant de bonne grâce au fameux questionnaire de Proust, Fouad Ali El Himma dut exercer sur la salle un puissant effet de séduction lorsqu'il commença à raconter dans les détails les plus croustillants sa mésaventure à l'aéroport d'Orly. Ce fut lorsque la police des frontières françaises l'a retenu dans un de ses bureaux, le confondant avec un «immigré clandestin» avec «un passeport marocain portant un visa italien et une mention d'ex-ministre». Cette scène se passa alors que Paris recevait le colonel Mouammar Kadhafi. «J'ai beaucoup apprécié la vigilance des services de sécurité françaises», lance Fouad Ali El Himma, avec une ironie de martyr, à une audience sous la charme de cette personnalité politique qui s'exerce, sans filet, à l'autodérision. Interrogé sur son dernier coup de gueule, Fouad Ali El Himma confirme qu'il garde un mauvais souvenir des frontières puisque le dernier du genre a eu lieu au poste frontière de Sebta lorsqu'il a constaté de visu le degré d'anarchie et de laisser-aller de ses fonctionnaires. Il plonge la salle dans un grand éclat de rire, un mélange d'admiration et d'incrédulité, lorsqu'il affirma que sa grande réussite fut «d'avoir quitté l'Intérieur». Fouad Ali El Himma était venu à Paris en compagnie d'Ahmed Akhchichine, de Salah El Ouadie et de Hassan Benaddi pour, entre autre, faire connaître «le Mouvement pour tous les démocrates». Durant toute la soirée, il était question de ce mouvement qui s'impose comme ambition de participer à la modernisation de la vie politique marocaine…mais il était surtout question d'un homme qui a cherché à se faire connaître et a surtout réussi à se faire apprécier.