Cette opération de police exceptionnelle, menée par un millier d'hommes, a abouti à une grande arrestation. Si personne ne remet en cause la validité de la démarche, se dégagera l'unanimité sur sa médiatisation à outrance. Sur toutes les télévisions de France, les images étaient scénarisées avec soin. Dans les ruelles sombres de Villiers-le-Bel, célèbre commune où des affrontements meurtriers avaient eu lieu en novembre dernier entre manifestants et policiers, des centaines de policiers trottant à rythme constant posaient calmement devant les objectifs des caméras. Ils préparaient leurs attirails d'attaques avec la minutie des acteurs. Ils se préparaient à investir des cités pour arrêter ceux parmi les manifestants qui avaient tiré à balles réelles sur les forces de l'ordre. Une des plus gigantesques opération de police jamais organisée, prétendent les spécialistes de la sécurité publique. Une des plus médiatisées aussi. Et c'est là que le bât politique domestique blesse. Il est vrai que le président Nicolas Sarkozy n'avait raté aucune occasion pour dire sa détermination à retrouver les coupables de tels méfaits. Le 1er janvier dernier, il avait affirmé qu'il «n'accepterait jamais d'être le président de la République d'un pays où les voyous tirent sur des fonctionnaires (…) la meilleure réponse est d'aller les chercher et de leur demander des comptes» Cette opération de police exceptionnelle, menée par un millier d'hommes, a abouti à l'arrestation de 35 individus. Si personne ne remet en cause la validité de la démarche de procéder à l'arrestation d'individus qui ont utilisé des armes à feu contre les forces de l'ordre, il se dégage une grande unanimité pour dénoncer sa médiatisation à outrance. Les opposants à Nicolas Sarkozy l'ont tout de suite accusé d'exploiter le drame de Villiers- le –Bel à des fins politiciennes. Sur cette angle d'attaque particulières, Ségolène Royal a été la plus mordante : «Quand des caméras accompagnent des opérations policières massives en période municipale, c'est une façon d'influencer l'opinion, de vouloir faire peur (…) le président de la République en revient au vieux réflexe de politique spectacle sécuritaire, parce que là où il échoue sur le plan économique et social, il veut faire croire qu'il continue à maîtriser les choses sur la question de la sécurité, ce qui n'est pas le cas» Le centriste François Bayrou enfonce délicatement le clou : «on ne doit pas mélanger la justice et la mise en scène… (la justice) est faite pour obtenir l'arrestation et moins pour faire de la communication». Les autres sensibilités politiques s'en sont donné à cœur joie comme le parti communiste qui semble retrouver quelque vigueur lorsqu'il dénonce dans un communiqué «un gigantesque cirque» et qu'il reproche à Nicolas Sarkozy «d'enflammer une situation sociale de plus en plus fragile». Pour la sénatrice verte de Paris Alima Boumediene-Thierry, cette opération ressemble à «un jeu de téléréalité (…) ce n'est pas en impliquant les journalistes que le gouvernement parviendra à trouver une nouvelle légitimité aux yeux des Français». Le plus étrange dans cette polémique est que les premières critiques et dénonciations de cette surmédiatisation sont sorties du rang du gouvernement. La ministre de l'Intérieur Michelle Alliot-Marie n'a cessé de répéter partout qu'elle «regrettait profondément que des fuites aient conduit à une médiatisation importante de cette opération, parce que cette médiatisation pouvait avoir des conséquences graves». La procureure la ville de Pontoise, Marie-Thérèse de Givry, va dans le sens de Michelle Alliot-Marie : «Ni le parquet ni les services de police agissant dans le cadre d'une commission rogatoire du juge d'instruction n'ont souhaité la médiatisation de cette opération (…) Que les choses soient claires, au contraire, notre crainte était que la présence de la presse n'alerte les objectifs précis qui avaient été déterminés». Le mystère entier demeure : Qui a organisé cette grande opération de communication à l'insu de la machine gouvernementale au risque de faire foirer l'ensemble de l'opération ? Qui a convoqué en douce des dizaines de caméras et de micros pour assister et filmer ses spectaculaires arrestations ? Les questions restent en suspens. Ce qui a poussé la secrétaire nationale du PS à la sécurité, Delphine Batho, une protégée de Ségolène Royal à réclamer «une enquête du ministère de l'Intérieur pour déterminer comment la presse à été avertie».