Le directeur de la clinique casablancaise Dar Salam, Jamil Bahnini, a été mis sous les verrous vendredi 13 février après sa comparution devant le procureur du Tribunal de première instance de Casa-Anfa suite à une plainte déposée par ses associés. Cette arrestation relance l'affaire de l'escroquerie Al Najat dont ont fait les frais des milliers de jeunes marocains. Dar Salam se trouve au cœur de cet énorme scandale puisqu'elle s'est occupée des formalités médicales des candidats grugés. Le directeur de la clinique Dar Salam à Casablanca est sous les verrous depuis le soir du vendredi 13 février. Le docteur Jamil Bahnini a été mis sous mandat de dépôt à la prison de Oukacha juste après sa comparution devant le procureur de Première instance de Casablanca. Le prévenu a répondu à une convocation de la 5ème brigade de la Police judiciaire alors qu'il revenait le jour même d'un voyage en France. Il n'a même pas eu le temps de défaire ses valises qui sont toujours dans le coffre de sa voiture. Cette arrestation ne pouvait tomber plus mal car le médecin devait superviser lui même une opération que sa mère devrait subir aujourd'hui. Atterré, l'intéressé ne comprend pas ce qui lui arrive. Livré à lui même, il ne sait même pas la date de la prochaine audience. Contacté par nos soins, son avocat Aziz Benkirane nous a déclaré qu'il n'a pas encore eu accès à la procédure et qu'il compte, dès qu'il aura en main les éléments du dossier, demander la liberté provisoire pour son client. Le Dr Jamil Bahini est l'objet d'une plainte déposée par ses associés de la clinique qui l'accusent d'avoir détourné l'argent collecté au titre des visites médicales subies par des milliers de candidats (900 Dhs par personne) dans le cadre de l'escroquerie à l'emploi de Al Najat qui avait défrayé la chronique, il y a plus d'un an. Dr Bahnini, par ailleurs membre associé de l'académie française de chirurgie, est appelé à répondre des accusations de ses partenaires dans un dossier de gros sous. La plainte contre le patron de cette clinique casablancaise a l'allure d'une réponse du berger à la bergère : ce dernier était le premier à saisir la justice en avril 2003 par l'intermédiaire de maître Aziz Benkirane, agréé près la Cour suprême du barreau de Fès. Dans la plainte déposée contre le trio (ses associés Hassan Ksikes, Mohamed Hassan Mekouar et Abderrafik Zaïme) auprès du procureur du Roi près le tribunal de première instance de Casa-Anfa, l'avocat relate par le détail des cas d'abus de biens sociaux et de détournements de fonds d'un montant de 8 millions de Dhs (voir ALM n° 449). Des sommes substantielles, comme le montrent certains relevés de compte, produits par le plaignant, ont transité par le compte bancaire d'un simple employé de la clinique Dar Salam du nom de Rachid Belmeknassi. La Police judiciaire avait interrogé les mis en cause. Cette querelle d'argent est telle que les actionnaires de la clinique ne veulent plus travailler avec un Bahnini à la tête de l'établissement. D'ailleurs, les membres du conseil d'administration décident, le 12 juin 2003, au terme d'une assemblée générale extraordinaire, de le mettre à l'écart et de le remplacer par Omar Abassi. Décision contestée par lettre, le 13 juin, par le Dr Bahnini au motif que l'autorisation de diriger ou de ne pas diriger une clinique relève de la compétence du secrétariat général du gouvernement et non du bon vouloir des associés. Jamil Bahnini, qui reste officiellement directeur de Dar Salam, cherchera à se débarrasser de ses participations dans un investissement qui tourne au casse-tête et vire au scandale. C'est ce qu'il propose dans un courrier (daté du 2 février 2003) adressé au docteur Hassan Ksikes. “ Je vous engage à prendre toutes les mesures nécessaires à la cession, à votre bénéfice, de mes parts, et ce avant la fin du mois courant. Je ne voudrais pas (…) médiatiser une affaire interne ni non plus compromettre la réputation et surtout l'avenir de la clinique Dar Salam qui, compte tenu du passé récent de certains de ses membres, ne peut faire les frais d'un scandale supplémentaire“. Par cette dernière phrase, l'auteur de la lettre fait allusion au scandale, une histoire d'argent aussi, qui avait ébranlé en 1999 une autre clinique casablancaise, Al Hakim en l'occurrence et dont les principaux protagonistes ne sont que les médecins anesthésistes Ksikes, Mékouar et Zaïm. C'est-à-dire ceux-là mêmes qui sont aujourd'hui en conflit avec Jamil Bahnini avec lequel ils ont monté la clinique Dar Salam après leur départ de Al Hakim. La proposition de cession de Jamil Bahnini restera sans suite. En guise de réponse, Ksikes et ses amis porteront plainte contre le directeur de l'établissement. Voilà que le litige est relancé avec l'arrestation de Jamil Bahnini. Un litige où chaque partie s'estime victime des agissements frauduleux de l'autre. Une chose est sûre : nous sommes une face d'une affaire dans l'affaire. Le différend financier opposant les médecins de Dar Salam s'inscrit dans le sillage de cette gigantesque arnaque à l'embauche de Al Najat qui était censée faire travailler des centaines de jeunes marocains à bord de bateaux de croisière en Europe et en Amérique. Comment se fait-il qu'une seule clinique a-elle pu obtenir le monopole du marché des formalités médicales relatif à cette fausse opération d'embauche ? Les promoteurs de Dar Salam ont-ils couvert cette escroquerie puisqu'il a été établi que les escrocs de Al Najat ont touché une commission occulte (400 Dhs par personne)? Par quel canal l'argent a-t-il quitté le pays dès lors que le produit des visites médicales a été encaissé par la clinique elle-même ? Autant de questions restées en suspens et qui ont besoin plus que jamais de réponses claires et précises. À défaut de travail, les victimes de cette fumisterie réclament le procès des acteurs de cette ténébreuse affaire. Mais personne n'a été inquiété jusqu'ici. Le directeur général de l'Anapec, Chafik Rached, qui s'est chargé avec zèle de l'opération d'inscription des prétendants aux quatre coins du pays, est toujours en place. Ex-ministre de l'Emploi au moment du démarrage de cette affaire, Abbas El Fassi, aujourd'hui ministre d'État, avait cautionné cette opération de recrutement devant le Parlement et à la télévision. Peut-être que l'arrestation du Dr Bahnini va permettre de faire enfin la lumière sur les différents aspects du plus grand scandale politico-social et financier unique en son genre.