Face à l'émergence du phénomène «Nayda», la réalisatrice Farida Belyazid et la sociolinguiste Dominique Caubet tentent d'analyser ce mouvement dans un documentaire intitulé «Casa Nayda». Les jeunes vous diront ce que veut dire : «Nayda». C'est un mot à la mode qui désigne une ambiance festive et décontractée qui a fini par séduire l'univers de la culture. Il y est utilisé pour évoquer le foisonnement culturel et sociétal survenu au Maroc en ce début de 3ème millénaire. Qualifié d'abord de «Movida marocaine» par la presse nationale et internationale, le phénomène a suscité plusieurs controverses. Les plus optimistes y voient un mouvement culturel authentique similaire à certains égards à la Movida espagnole . D'autres, plutôt septiques, n'y voient qu'un phénomène artificiel ou purement «Marketing», créé de toutes pièces et poussé par une presse progressiste et moderniste. Alors il était tant de trancher. Dans son dernier film documentaire «Casa Nayda», la réalisatrice Farida Belyazid, aux côtés de la sociolinguiste, spécialiste de la darija, Dominique Caubet, tourne les projecteurs vers ce phénomène qui a commencé essentiellement par la musique, notamment avec le Boulevard des jeunes musiciens et le festival des Gnaoua, puis s'est étendu à la radio, la mode, la publicité et les nouvelles technologies. Le film retrace l'itinéraire de cette effervescence culturelle initiée par une jeunesse cherchant à clamer son identité marocaine avec sa langue dialectale et à travers une manière d'être, une expression artistique et un langage nouveaux. «Nayda» est un phénomène social urbain profond. Beaucoup plus qu'une mode, c'est un mouvement dans lequel tout une partie de la société marocaine s'y reconnaît et particulièrement les jeunes. C'est en 2003 que le mouvement va apparaître publiquement dans une situation de paradoxe, d'abord lors du procès des 14 musiciens accusés de satanisme, puis après les attentats du 16 mai. On notera, alors, une forte mobilisation de la jeunesse contre les deux événements, mais aussi, face à des institutions et à des voix qui voulaient fermer le Boulevard des jeunes musiciens, affirmant par là son identité dans la pluralité et la tolérance, explique à ALM la sociolinguiste Dominique Caubet. Et d'ajouter que «Contrairement à la politique à laquelle de moins en moins de personne participe, à ce mouvement, une bonne partie de la jeunesse adhère spontanément par son attitude contre la langue de bois, en se donnant une bonne image d'elle-même et en étant contente de ce qu'elle est, non pas de ce qu'on lui dit qu'elle est». Ainsi émergeront des groupes de musique qui compteront parmi les principales figures de la «Nayda», dont Mafia C, H-Kayne, Fnaïre, Zanka flow, Bigg, Darga et Hoba Hoba Spirit. A ces groupes beaucoup de jeunes adhéreront influençant par-là d'autres secteurs. Pour Mme Belyazid, «ce n'est pas une mode, c'est un mouvement de culture mondiale urbaine. Partout les jeunes expriment leurs réalités locales, et cela face à la mondialisation. Ils créent ainsi un espace de liberté et une jeune culture qui leur sont propres. Mais ils ont toujours de multiples difficultés. Par exemple, difficile pour les groupes de musique, en particulier ceux qui utilisent une batterie, de trouver un local pour répéter, ou encore, pour la plupart de vivre de leur art, sans parler de l'absence de statut pour ces artistes. Toutefois, ils finissent par s'affirmer même face aux institutions les plus fermées. D'ailleurs, lors des dernières élections, des partis politiques ont animé leurs colloques en invitant des rappeurs». L'artiste Simo «Masta Flow», membre du groupe de rap «Casa Crew», qui a participé dans ce film déclare, pour sa part, à ALM, que le mouvement existe, mais dans une certaine sphère et qu'il est encore dans son stade embryonnaire. Il précise aussi que sa participation au film servait plus la promotion du groupe et se félicite du fait que «c'est au moins, Nayda quelque part».