Après trois ans de silence, Mohamed, 22 ans, décide de se venger de celui qui l'avait violé. Son crime lui a coûté vingt ans de réclusion. Chambre criminelle, premier degré, près la Cour d'appel de Casablanca. La salle d'audience est archicomble. Mohamed, âgé de 22 ans, célibataire, se tient au box des accusés. Il est poursuivi, en état d'arrestation, pour homicide volontaire avec préméditation et guet-apens. «Oui, je l'ai tué et avec l'intention de le faire…», déclare Mohamed sans avoir froid aux yeux. Le silence règne dans la salle d'audience. Toute l'assistance écoute les aveux de Mohamed qui surprend avec ses propos clairs et nets devant la cour. Il est assez rare qu'un accusé avoue aussi facilement. D'ailleurs, pendant cette même journée, aucun de cette dizaine de mis en cause impliquée dans six affaires de vol qualifié, viol et attentat à la pudeur n'a avoué sa culpabilité. Ils ont tous nié en bloc les charges qui pèsent sur eux. «Il ne méritait pas de rester en vie, M. le président !», s'exclame encore Mohamed montrant qu'il n'avait aucun regret d'avoir commis son crime. Ses parents et ses quatre frères et sœurs qui assistent au procès ne croient pas leurs yeux, ni leurs oreilles. Ils ne pouvaient pas imaginer qu'un jour un membre de leur famille commettra un crime. Mohamed n'est ni un toxicomane, ni un alcoolique… Il ne fume même pas de cigarette. Dans son quartier, il jouit d'une bonne réputation et tous ses amis et ses voisins le respectent et l'apprécient. Leur présence à son procès en grand nombre témoigne de leur soutien à leur ami. Mais, pourquoi Mohamed a-t-il commis ce meurtre? Il était en Terminale lorsqu'il a fait connaissance avec Nadia avec laquelle il a entretenu une relation amoureuse. Ils sortaient ensemble, passaient de bons moments dans les cafés du centre-ville. Il leur arrivait aussi de se cacher pour éviter les regards des curieux. Mais voilà, il y a plus de trois ans, alors qu'ils étaient assis seuls dans un coin, ils ont été attaqués par cinq délinquants. Armés de couteaux, ces derniers ont demandé à Mohamed d'abandonner sa copine et de partir. Mohamed a refusé et les cinq voyous l'ont alors ligoté pour le forcer à voir un spectacle terrifiant : quatre des délinquants ont abusé de Nadia devant ses yeux. Le cinquième a préféré violer Mohamed. Si Nadia a déposé une plainte contre ses violeurs, Mohamed, lui, a décidé de se venger. Une idée qui l'a hanté jour et nuit au point qu'il a laissé tomber ses études. Il ne voulait qu'une seule chose : retrouver le voyou qui avait abusé de lui. Ce dernier purgeait, ainsi que ses quatre compères, une peine d'emprisonnement, suite à la plainte de Nadia. Quand il a été libéré, trois ans plus tard, Mohamed s'est mis à le guetter jour et nuit, un couteau caché sous ses vêtements. Un jour Mohamed décide d'aller vers lui au moment où il était dans une salle de jeu. Portant une casquette et des lunettes noires, le voyou ne l'a pas reconnu au départ. Quand il est sorti, Mohamed l'a suivi. «Je l'ai suivi comme son ombre, jusqu'au moment où il s'est arrêté devant un café… Il s'apprêtait à entrer…et c'est là où je suis passé à l'acte…», raconte Mohamed. Il lui a asséné un premier coup au dos, puis, un deuxième, puis un troisième et … Mohamed, hystérique, n'arrête pas de lui asséner des coups de couteau un peu partout dans le corps. Étonnés, les clients du café sont restés figés devant cette scène. Le choc les a paralysés au point de les empêcher d'agir que quelques secondes après. Trop tard. La victime est sans vie. Mohamed ne prend pas la fuite. Au contraire, il demande même aux témoins d'alerter la police. «Je confirme que j'avais l'intention de le tuer», répète-t-il à la cour qui l'a condamné à vingt ans de réclusion criminelle.