Malika était chez sa tante. En retournant chez elle, elle a croisé un jeune repris de justice qui l'a violée dans une ruelle sous la menace d'un couteau. Nous sommes à la Cour d'appel de Casablanca. La salle d'audience de la chambre criminelle est archicomble. Le président de la Cour demande à l'assistance de se taire. Il y avait trop de bruit. Au début, il a reporté plusieurs affaires à des dates ultérieures. Et il a appelé, enfin, un jeune homme à la barre : «Abdellah…». La trentaine, ce jeune homme, a traîné ses pas du banc des accusés jusqu'au box. Il y est arrivé sans dire un mot. Sa mère et sa sœur, qui occupaient deux sièges avec l'assistance, pleuraient en silence. Le président de la Cour a appelé également à la barre Malika, une jeune fille âgée de vingt-deux ans. Portant une djellaba blanc cassé, un foulard noir et des babouches, elle s'est tenue à ses côtés. Elle n'a pas osé le fixer de ses yeux. Elle ne s'est même pas tournée vers lui. Au contraire, Abdellah, âgé de trente-deux ans, la dévisageait de haut en bas, tout en lui lançant un sourire. Après avoir quitté l'école primaire, Abdellah a décidé de se débrouiller pour gagner sa vie. Marchand ambulant au Hay Mohammadi, au port de Casablanca, parfois au quartier Koréa. Des déplacements qui ne l'ont pas positivement servi, puisqu'ils lui ont permis de rencontrer plusieurs jeunes délinquants et drogués. Au fil du temps, il a tout abandonné et s'est adonné à la drogue et à l'ivresse. La vie facile dans la rue l'a impressionné au point qu'il a commencé à s'absenter de chez lui. Il ne retournait chez lui que rarement. Comment achetait-il ses doses de drogue? Les agressions. À ce propos, il a été arrêté à deux reprises. Il a purgé une peine de huit mois de prison ferme pour la première interpellation et un an pour la seconde. La troisième fois, il a été arrêté pour vol qualifié avec l'usage de l'arme blanche. Un crime qui lui a coûté deux ans de prison ferme. Gracié, il n'a purgé que quinze mois. Relâché, il a rejoint sa bande et son monde de délinquance. Il n'hésitait pas à agresser, maltraiter et menacer avec les armes blanches toute personne qu'il croisait sur son chemin. Sans pitié, il n'épargnait personne. Et Malika ? «J'étais chez ma tante. Il était 20 h quand je l'ai quittée pour retourner chez moi», a précisé Malika à la Cour lors de son témoignage. Malika n'avait l'intention que de rentrer chez elle quand un jeune homme s'est approché d'elle. Il lui a chuchoté deux mots à l'oreille : «Calme-toi». Quand elle a tenté de se sauver, il l'a tenue par la main et lui a mis le couteau sur la gorge. «Calme-toi ou je te tue», l'a-t-il menacée. Malika a gardé le silence. Abdellah l'a conduite vers une ruelle et lui a mis le couteau sous ses aisselles. La ruelle était déserte. Malika est sous le choc. Abdellah lui a déboutonné le pantalon qu'elle portait. Et il a abusé d'elle tout en mettant le couteau sur son cou. «Non, M. le président, elle a menti… Elle est ma copine», a rétorqué Abdellah. Ce repris de justice a essayé de se disculper devant la justice. Mais le témoin, qui a alerté la police quand il a remarqué la scène obscène depuis la fenêtre de sa demeure, a affirmé à la Cour qu'il a tout vu, qu'il n'a pas pu intervenir pour empêcher le voyou de violer la fille et qu'il s'est contenté d'alerter la police par téléphone. Seulement, quand la police est arrivée, Abdellah a quitté les lieux. Repéré, il a été arrêté la même nuit. Ce témoignage était ferme au point que la Cour a été convaincue que le mis en cause était coupable de viol sous la menace d'une arme blanche, coups et blessures et l'avait condamné à six ans de réclusion criminelle.