L'ancien prédicateur Abdelbari Zemzmi, heureux élu de la circonscription Casablanca-Anfa, passe en revue différentes questions en rapport avec les élections et son nouveau statut de parlementaire. ALM: Ancien prédicateur de renom, vous devenez parlementaire. Comment vous apprêtez-vous à vivre cette transition ? Abdelbari Zemzmi : Il faut dire que même quand je prêchais dans les mosquées, je faisais toujours de la politique. J'ai toujours considéré que la politique et la religion sont indissociables, contrairement aux partisans de la pensée laïque qui prônent la séparation entre le temporel et le spirituel. Cette séparation n'a évidemment pas lieu d'être dans une religion comme l'Islam où l'on trouve des réponses à des questions de différents ordres, telles que l'économie, la gestion des affaires publiques, l'organisation familiale, le comportement des individus, etc. En ce qui me concerne personnellement, il ne s'agit pas de transition proprement dite parce que mon rapport à la politique ne date pas d'hier. Depuis que je prêchais dans les mosquées, - cela fait maintenant 25 ans , j'ai toujours soulevé des questions politiques devant le commun des fidèles. Je ne cache pas que cela m'a causé beaucoup de problèmes, j'ai eu à en découdre à maintes reprises avec les autorités et autres parties. Aujourd'hui, il n'y aura qu'un changement formel par rapport à mon ancien statut de prédicateur puisque le changement, si changement il y aura, n'est que d'ordre spatial. Le Parlement n'est pas une mosquée. Le Parti de la renaissance et de la vertu n'a remporté qu'un seul siège, alors qu'il s'attendait à un nombre plus important de sièges au Parlement. Comment expliquez-vous l'échec de votre parti ? Et quel rôle pourra-t-il jouer au Parlement ? Le Parti de la renaissance et de la vertu a été créé, il y a à peine un an et demi. Il n'a pas eu de ce fait le temps suffisant pour constituer une base électorale en mesure de lui offrir le nombre de sièges qu'il souhaitait avoir au Parlement. Pour s'en rendre compte de manière plus claire, il suffit de rappeler que le Parti de la justice et du développement (PJD) a remporté à peine 14 sièges au lendemain de sa création, il y a presque dix ans. En ce qui concerne notre parti, il était prévisible qu'il ne décroche qu'un ou deux sièges. Et un siège ou deux ne permettent pas à un parti d'avoir la capacité nécessaire pour influer sur le cours des choses au sein du Parlement. Tout ce que peut faire le parti auquel j'appartiens, c'est de faire entendre sa voix et exprimer ses positions lors des rencontres nationales ou internationales. Quelle lecture faites-vous du score réalisé par le Parti de la justice et du développement ? Le PJD prévoyait de remporter de 70 à 80 sièges, un chiffre qui ne me paraissait pas réaliste. En fait, le chiffre logique devait se situer entre 44 et 50 sièges. Les électeurs ont perdu confiance dans les partis politiques en général, eu égard à la multitude des promesses sans lendemains que les partis font à chaque occasion électorale. Ce reproche, je l'ai entendu lors de ma campagne à la veille du jour de vote du 7 septembre dernier à la circonscription de Casablanca-Anfa. Les électeurs s'interrogeaient à l'envi sur l'utilité de voter pour des candidats qui viennent le temps d'une campagne et disparaissent aussitôt qu'ils sont élus. Le PJD ne déroge pas à cette règle. Il n'est plus un parti original, il a perdu son éclat d'antan en s'éloignant du référentiel islamique. Au temps où il était encore fort, il n'arborait pas des slogans appelant à des réformes et ne donnait pas de promesses, loin de là. Il proclamait uniquement des slogans islamiques. Or, il s'est avéré après qu'il s'est débarrassé de ce référentiel islamique pour devenir un parti comme les autres. Je rappelle que le frère Ahmed Raïssouni avait prédit la décadence du PJD lors d'une ancienne sortie médiatique, avertissant que ce parti disparaîtrait dans dix ans et perdrait sa crédibilité s'il continuait à s'écarter du référentiel islamique. Il faut se comporter avec le peuple avec beaucoup de sincérité et de franchise, il faut se garder d'avoir recours au double langage. En tant que député de Casablanca-Anfa, avez-vous une vision de ce que vous allez entreprendre au profit de votre circonscription ? Je vais m'intéresser uniquement à la circonscription où j'ai été élu en insistant d'abord sur un travail de proximité avec sa population. Au Parlement, je ne suis pas en mesure de fixer des priorités sachant que cela dépend des règles de fonctionnement et de l'orientation de la majorité qui y siège.