Inculpé du viol d'une fille handicapée, Abdellah a été condamné à quatre ans de prison. Pourtant, le coupable se dit innocent, car la victime aurait été consentante. «Elle acceptait de son plein gré, M. le président», déclare Abdellah devant le président de la Chambre criminelle près la Cour d'appel de Settat. Depuis qu'il a été conduit par les policiers à la salle d'audience, il a gardé les yeux baissés. Il n'a bougé la tête ni pour jeter un coup d'oeil sur les membres de sa famille ni pour les saluer. Il n'a même pas relevé sa tête pour regarder le président de la Cour quand il l'interrogeait. Mais quand le représentant du ministère public a entamé sa plaidoirie, Abdellah change d'attitude, et, contrairement au tout début, il fixe son regard sur lui comme pour montrer son étonnement des raisons pour lesquelles ce dernier a requis une peine maximale contre lui : « Ce mis en cause n'a pas pris en considération l'état de santé de la victime. C'est une aliénée mentale ! Il en a profité pour satisfaire ses besoins sexuels…». Abdellah ignorait que le représentant du ministère public défendait le respect des principes de la société. Qui est Abdellah ? Âgé de 22 ans, ce jeune, issu d'une famille démunie, est né et a grandi dans un douar de la région de Ben Ahmed, province de Settat. Pas de scolarité, à l'instar de ses quatre frères et sœurs, Abdellah est resté auprès de son père qui disposait d'un cheptel de moutons, chèvres et bœufs. Il s'occupait donc de l'élevage du bétail pour aider son père avant qu'une maladie n'emporte tout le cheptel. Réduit à la misère, ce père, n'ayant plus de quoi nourrir ses enfants, les laisse partir pour chercher leur gagne pain. Abdellah travaille, alors, pour une famille d'agriculteurs qui dispose de plusieurs hectares. C'est lui qui s'occupait du troupeau. Au fil des jours, les employeurs deviennent une seconde famille pour Abdellah. Il a eu même droit à une chambre pour y habiter, même si sa propre famille ne demeure pas loin du lieu de son travail. Saïda, la fille des patrons, est une arriérée mentale de 21ans. C'est elle qui lui portait quotidiennement le petit-déjeuner et le déjeuner à sa chambre ou dans le champ. Elle restait à bavarder avec lui jusqu'à ce qu'il termine son repas. Au bout d'un moment, les deux deviennent inséparables. Saïda n'hésitait pas à le rejoindre de temps en temps au champ. Abdellah lui témoignait de la sympathie et la traitait comme une jeune fille normale. Mais, il n'a pas hésité un jour à l'embrasser. Elle ne lui a rien reproché. Au contraire, d'après son récit aux gendarmes, elle s'est livrée à lui de son plein gré. Il s'est contenté, au départ, de l'embrasser et de lui faire des attouchements. Depuis, Saïda a commencé à le fréquenter plus souvent, au moins deux fois par jour pour rester en sa compagnie plus de deux heures. Enfin, Abdellah est passé à l'acte. «Elle n'a pas refusé…», a-t-il précisé à la cour. Mais, devant les enquêteurs, Saïda a affirmé avoir été violée : «Il m'a prise par force, m'a enlevé la jupe et la cullote pour…». La victime s'est absentée, lors de l'examen de l'affaire. Ni elle ni son père, qui a porté plainte, n'ont répondu à la convocation de la Cour. Selon le procès-verbal, la sœur de Saïda a indiqué que cette dernière est enceinte de deux mois, selon un diagnostic établi par un gynécologue. «Qu'attend-on d'une rencontre quotidienne entre deux adolescents loin des regards?», s'est interrogé l'avocat, constitué dans le cadre de l'assistance judiciaire, pour le soutien d'Abdellah. Mais la réponse de la cour était claire : Abdellah est coupable de viol et mérite quatre ans de prison ferme.