Le général Omar Al Bachir dirige, en effet, le pays d'une main de fer depuis 1989 quand, dirigeant une junte militaire et s'appuyant sur le Front national islamiste de Hassan Tourabi, il s'installa aux commandes du pouvoir à Khartoum. Depuis que le président américain, Georges Bush, a lancé son offensive diplomatique sur le Soudan en durcissant les sanctions économiques et en préparant la communauté internationale au vote d'une résolution des Nations Unies, la tension est montée d'un cran. La crise du Darfour, qui ne quittait pas les estrades de l'indignation humanitaire ou des couloirs feutrés et discrets de la négociation diplomatique arabo-africaine, s'est retrouvée brusquement au centre d'une préoccupation mondiale aux multiples acteurs et à l'issue incertaine. La crise du Darfour est réputée pour avoir provoqué la mort de 200.000 personnes et entraîné l'exode de deux millions trois cents mille autres. L'œuvre froide d'une milice arabe appelée «Janjawid» soutenue par le régime du soldat converti à l'islamisme, le général Omar Al Bachir. Pour bien en souligner la gravité et marquer le tournant, les mots du président américain ont été pesés avec précaution et livrés avec détermination : «Mon administration a utilisé le mot approprié pour qualifier ces actions: génocide. Le monde a la responsabilité d'aider à y mettre fin». Ces mots ont dû siffler méchamment aux oreilles du président soudanais qui refuse le déploiement d'une force internationale dans cette région et le jugement des personnalités soudanaises notoirement connues pour leur implication dans ce «génocide». Le général Omar Al Bachir dirige, en effet, le pays d'une main de fer depuis 1989 quand, dirigeant une junte militaire et s'appuyant sur le Front national islamiste de Hassan Tourabi, il s'installa aux commandes du pouvoir à Khartoum. Ses relations tumultueuses avec Tourabi valent à ce dernier de nombreux allers-retours entre la prison et la résidence surveillée. Lorsque le 9 janvier 2005, Omar Al Bachir signa avec John Garang un accord de paix pour mettre fin à la guerre civile qui ravage le sud du pays, il dut gagner quelques lauriers de «faiseurs de paix» qui ne résistèrent pas longtemps à la détérioration de la situation humanitaire au Darfour. Empêtrée dans le bourbier irakien, l'Administration Bush n'accordait guerre d'attention au drame qui se joue au Darfour. La sensibilisation de l'opinion a d'abord été l'œuvre d'hommes de médias et de spectacle comme les acteurs Georges Clooney, Brad Pitt et Don Cheadle. L'Administration Bush semble depuis, avoir pris le taureau soudanais par les cornes. En France, l'écrivain Bernard Henry Levy, connu pour son excellent flair des bons coups médiatiques, avait réussi à imposer la question du Darfour à la campagne présidentielle française lors d'un grand meeting à la mutualité le 20 mars dernier. La nomination au quai d'Orsay d'un «humanitaire professionnel», Bernard Kouchner, laisse présager un intérêt certain et une mobilisation sans faille pour le drame du Darfour. Au sein de la communauté internationale, en plus de quelques alliés arabes comme l'Egypte et l'Arabie Saoudite, Omar Al Bachir s'est trouvé un défenseur de poids : La Chine. Les Chinois sont très actifs dans l'exploitation du pétrole soudanais et considèrent ce pays comme une porte majeure de leur emprise commerciale sur le continent africain. Ils refusent de s'embarquer dans cette mobilisation internationale pour faire pression sur Khartoum et menacent de faire usage de leur veto pour empêcher toute résolution contraignante des Nations Unies sur le sujet. La détermination chinoise de protéger le régime d'Omar Al Bachir est telle que de nombreuses voix, et non des moindres, se sont élevées pour proposer de brandir la menace de boycotter les Jeux olympiques de 2008 que Pékin s'apprête à organiser en échange d'un assouplissement de la position de la Chine sur le dossier soudanais. Les jeux de 2008 sont le signe absolu que la Chine est en train de normaliser ses relations avec la communauté internationale. Pour l'Administration Bush, la mobilisation sur le Darfour sert un agenda à multiples dimensions. En plus de croiser le fer avec la Chine, un concurrent commercial et politique de plus en plus dangereux, la Maison-Blanche a un besoin urgent d'une «bonne nouvelle internationale» au moment où son ciel s'obscurcit en Irak et au Proche-Orient, entraînant, pour les républicains, de gros nuages et de violents orages sur la scène domestique américaine.