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Abu Khalid : «Hamas est un allié objectif d'Israël»
Publié dans Aujourd'hui le Maroc le 22 - 05 - 2007

Pourquoi les factions politiques jouent-elles au jeu dangereux de la rivalité qui peut plonger la Palestine dans la guerre civile ? Le général Abu Khalid, chef de la sécurité préventive de la Cisjordanie a accepté de répondre à ces questions.
ALM : Pourquoi le Hamas et le Fatah ne cessent-ils de se battre ?
Abou Khalid : Pour répondre correctement à cette question, il faut comprendre comment le Hamas fonctionne. Aujourd'hui, il y a une scission au sein de ce mouvement. Une partie, dirigée par Ismaël Haniyeh, est politisée et a signé les accords de La Mecque en février 2007.
L'autre partie rassemble de nombreux leaders des factions armées qui ne sont pas d'accord avec ce traité de paix inter palestinien et encore moins avec le Plan de sécurité qui devait intégrer la Force exécutive du Hamas dans les forces de police nationale. Ces leaders, dont on peut citer, Youssef Zahar, commandant de la Force exécutive, Machir al Masri, député Hamas, considèrent que le traité de La Mecque constitue la fin du Hamas, car si la Force exécutive est dissoute dans la police, le Hamas n'aura plus de faction personnelle et ainsi plus de pouvoir militaire à proprement dite. Ahmad Youssef, conseiller du Premier ministre, a ouvertement déclaré qu'il voulait un deuxième traité de La Mecque. Ils considèrent que leurs hommes ainsi intégrés n'ont pas assez de pouvoir au sein des factions de police.
Ils veulent plus d'autorité. Seulement leur Force exécutive est constituée, à plus de 90%, d'hommes sans qualifications, or la police a des critères de sélection pour les gradés, qui correspond au niveau d'études et au temps de services. Le Hamas a deux choix pour contrôler la Police : soit les leaders prennent le pouvoir politique, soit par la force, en détruisant la police nationale et ainsi, la Force exécutive deviendra la seule force armée au gouvernement.
Le groupe armé voit dans la politisation du Hamas, sa disparition. Ils se retrouvent au pied du mur, ils agissent donc dans la précipitation et veulent prouver au peuple qu'ils sont plus forts que le gouvernement pour garder une forme de légitimité.
Mais, Al Qawasmi a été choisi par Abbas et Haniyeh à la tête du ministère de l'Intérieur, or il est réputé être proche du Hamas ?
Al Qawasmi s'est retrouvé dans une situation délicate. Il a accepté le poste de ministre de l'Intérieur et le président Abbas lui a donné tous les pouvoirs dont il avait besoin pour mener à bien le Plan de sécurité décidé lors des accords de La Mecque. Seulement, deux jours après, les Forces exécutives ont assassiné Abu Jehad, un leader des Brigades des Martyrs d'Al Aqsa de Beit Hanoun. Al Qawasmi sait qui sont les instigateurs de cette action, cependant comment peut-il réagir ? Soit il met en place une action d'arrestation des tireurs, qu'il connaît, et se met à dos la Force exécutive, soit il quitte le gouvernement, chose qu'il a faite, en prétendant ne pas avoir de pouvoir au sein de son ministère.
Quelle est la place de la résistance armée au sein du Hamas ?
Le problème actuel du Hamas est justement de faire tenir dans le même mouvement, la position de résistant armé et en même temps de partenaire politique. Leur slogan est « d'une main nous construisons de l'autre nous résistons ». Ils ont des grandes phrases de ce type, mais sur le terrain rien n'avance et la population attend de voir les promesses se réaliser. Certains des membres du Hamas ont commencé à faire cesser les actions de résistances armées; mais dans le même temps ils refusent de discuter avec l'Etat d'Israël. D'autre part, il ne faut pas oublier que ce groupe est né et jusqu'alors n'a vécu que sur cette idéologie : la résistance à Israël.
Pour donner un exemple, Ismaêl Haniyeh a tenté de discuter avec Israël, pour rencontrer le Roi de Jordanie lors de sa visite à Ramallah la semaine passée. Israël a d'abord accepté puis s'est refusé à voir Haniyeh se déplacer en Cisjordanie, pour la simple et bonne raison que si le Hamas devient politiquement correct aux yeux du monde, Israël ne peut plus justifier ses assassinats en parlant de «terroristes».
Le roi de la Jordanie a annulé son voyage en forme de protestation. Deux jours après cette affaire, la partie armée du Hamas a commencé les hostilités. Même la maison de Haniyeh a été la cible des tireurs du Hamas. Israël profite de cette situation. En Palestine, dès qu'Israël s'en prend à quelqu'un, ce dernier acquiert le respect et la compassion de la population. Donc plus Israël lance des roquettes sur le Hamas, plus le Hamas gagne en légitimité. La partie armée du Hamas et Israël s'aident mutuellement sans forcément le savoir. Hamas est donc l'allié objectif d'Israël.
Qui dirige réellement le Hamas ?
Certains des leaders politiques ne contrôlent plus les milices armées du Hamas. Depuis qu'Ahmad Yassin a été assassiné, le leader légitime est Khalid Mechaâl. Seulement les leaders armés de Gaza ne l'aiment pas car il vient de Ramallah, il n'est pas gazaoui. D'autre part, le Hamas étant, à l'origine, un des groupes des Frères musulmans, chaque partie des Frères musulmans du monde tente de tirer la couverture à son avantage. Sont en jeux, les influences égyptiennes, jordaniennes opposées aux influences iraniennes, syriennes etc. Ces pays utilisent leurs pions au sein du Hamas.
Les financements sont aussi de taille. Une partie vient de la population, mais beaucoup sont originaires du Qatar, d'Iran, de Syrie, etc. Le ministre des Finances, Salam Fayad, a déclaré qu'en un an le gouvernement Hamas a eu plus d'argent entre les mains que le gouvernement Fatah en quatre ans ! Ils s'en servent pour acheter des armes, ils donnent à leurs groupes actifs sur le terrain, mais par exemple ils n'aident pas la police. Pourtant, aujourd'hui, les policiers ne reçoivent pas plus de 50% de leur paye, certains mois ils ne reçoivent rien.
Le Hamas manifeste pourtant sa volonté d'entrer au sein de l'OLP.
A l'origine, le Hamas a été créé pour contrer l'OLP. C'est Itzak Rabbin qui a favorisé son développement. Il avait d'ailleurs présenté ses excuses pour sa responsabilité dans la création du Hamas. Yasser Arafat leur avait proposé d'entrer au sein de l'OLP mais sous la condition qu'ils n'occuperaient que 40% de celle-ci. Ils ont refusé. Ils veulent contrôler et changer l'OLP. Le risque c'est que si le Hamas détient tous les pouvoirs, les Palestiniens vont perdre toutes les ambassades implantées dans le monde, ainsi que les droits qu'ils revendiquent. Or les relations internationales sont l'oxygène de la Palestine et l'un des piliers qui fait que la Palestine existe toujours aujourd'hui. Si nous perdons cela, nous perdons tout.
Il y a eu des rumeurs de tentative d'assassinat du président Abbas. Qu'en est-il ?
Il y a deux jours, le président Abbas voulait se rendre à Gaza, mais un tireur s'est rendu devant la maison de Haniyeh et a ouvert le feu. Lorsque Abbas a compris qu'une menace d'assassinat pesait sur lui, il a annulé son voyage. On a découvert peu après que le tireur de la maison du Premier ministre, est un homme du Hamas. Trois jours après cet incident, le Hamas a déclaré que si quelqu'un ouvrait le feu sur une université islamique, il lancerait une roquette sur la maison d'Abou Mazen à Gaza. Il n'y a pas eu d'échanges de tirs dans ces universités et pourtant, ils ont lancé une roquette sur la maison du président à Gaza. Ils cherchent à tout prix à enflammer la situation.
Pourquoi ces violences ne touchent-elles pas la Cisjordanie ?
La raison principale c'est que la Cisjordanie est toujours sous occupation israélienne et que les soldats ne laissent pas se propager les factions armées. Les armes ne peuvent pas circuler aussi facilement que dans la bande de Gaza. Le Hamas a une implantation politique mais n'a pas de pouvoir militaire en Cisjordanie, la Force exécutive y est pratiquement inexistante.
Quelle est l'issue de cette situation ?
Personnellement, je n'ai pas beaucoup d'espoir sur la situation à Gaza. Le Hamas ne veut pas travailler avec les autres mais pourtant la décision est entre leur main aujourd'hui. La seule chose qui pourrait peut-être mettre un terme à tout ceci, serait une mobilisation accrue de la population, pour faire pression sur les factions armées du Hamas. Les leaders qui appellent au calme, sont les mêmes qui donnent les ordres d'attaquer. La police est censée mettre de l'ordre et elle est payée pour cela, les autres non. Si on veut mettre un terme à ces violences on n'a pas beaucoup de choix, soit on reçoit une aide extérieure, mais Israël refuse systématiquement, soit la population est le seul recours.
• DNC à Ramallah, Nadia Sweeny


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