Là où on prévoyait un débat déséquilibré tant il mettait en équation un brillantissime débatteur et une femme donnée pour piètre oratrice, on s'est trouvé face un déséquilibre de tempérament. Sarko a joué, avec un certain excès, le registre du paisible jusqu'à la suavité. Ségo, elle, a manié l'emportement et a, il faut le dire, cogné avec une certaine surdité. Une chose est sûre. Nicolas Sarkozy avait tout à gagner à afficher une sérénité, même artificielle. Une chose est sûre, Ségolène Royal n'avait rien à perdre à démontrer que c'est une femme de caractère, à l'antipode de l'image de la nunuche ou de la bécassine que tout le monde, en particulier parmi ses amis, s'était accordé à lui coller. Depuis mercredi, on peut dire qu'on a affaire à une nouvelle génération de gladiateurs politiques. Et avec eux, il faut s'attendre à tout. On a, chacun l'aura remarqué, assisté à un parfait front inversé. Là où on prévoyait un débat déséquilibré tant il mettait en équation un brillantissime débatteur et une femme donnée pour piètre oratrice, on s'est trouvé face un déséquilibre de tempérament. Sarko a joué, avec un certain excès, le registre du paisible jusqu'à la suavité. Ségo, elle, a manié l'emportement et a, il faut le dire, cogné avec une certaine surdité. Le débat et le match n'en étaient pas pour autant nuls. Les deux candidats ont atteint, l'un et l'autre, leurs objectifs. Du moins dans le registre que chacun semblait avoir assigné à cette rencontre. Sarko avait le souci de préserver le capital de son avance. Ségo avait un besoin capital de réduire la devance. Je ne sais pas si, ce dimanche, cela déjouera l'arithmétique qui donne le premier gagnant. Cependant et incontestablement, quelque chose s'est produite ce mercredi soir. Il ne peut y avoir de débat sans un peu de combat. Sarko, polémiste hors pair, l'a vécu à ses dépends en privilégiant la zen attitude. Pour avoir contrarié sa nature, il donnait le sentiment d'égarer ses repères et son punch tellement il était soucieux de soigner la forme. En face, Ségo s'est révélée. On peut même dire qu'elle a littéralement dominé le plateau jusqu'à déstabiliser non seulement son adversaire mais aussi la capacité des journalistes à guider le débat tellement sa fougue frisait parfois l'impertinence. Dans un mélange de cran et de culot, elle ne cessait de fixer, comme pour le dompter, le regard de Sarko. Celui-ci, en revanche, passait son temps à éviter les yeux de son interlocutrice, trouvant le recours dans celui des journalistes comme s'il avait peur d'être englouti par le bleu éclatant du regard de sa rivale. Faudra-t-il y voir une tactique ou la manifestation d'une faille sarkozienne ? Depuis l'installation du débat présidentiel en 1974, la confrontation de mercredi se singularise par le fait, en plus d'opposer les nouveaux visages de la république, de mettre en balance un homme et une femme. On est comme rentrés dans une nouvelle ère politique De cette prestation, on gardera en mémoire l'indignation de Ségo. Pour ma part je reteindrai, comme preuve du volontarisme en politique, cette sentence qu'elle a adressée à Sarko : « Si vous ne pouvez pas…faire, pourquoi vouloir accéder aux responsabilités». La gauche, qu'à Dieu ne plaise, pourra, selon des prévisions invariables des sondages, perdre dimanche. Elle a, en tous les cas, depuis mercredi une vraie patronne dont plus personne ne peut contester le leadership.