Rachida Dati, fille de Casablanca, magistrate de profession, qui devait à la base illustrer auprès de Nicolas Sarkozy sa disponibilité à valoriser les minorités est devenue indispensable à la campagne du candidat de l'UMP. Alors que la France qui vit un suspense hitchcockien, retient son souffle dans l'attente de ce six mai qui doit déterminer l'identité du futur successeur de Jacques Chirac, qui aurait cru qu'en si peu de temps, une communauté marocaine qu'on disait discrète et craintive, aimant l'anonymat plus que l'exhibition, soit aussi visible, aussi représentée par de subtils talents dans les grandes écuries présidentielles ? Rachida Dati pour Nicolas Sarkozy, Najat Belkacem pour Ségolène Royal et Aziz Senni pour François Bayrou, tous d'origine marocaine devenus à l'occasion de cette course à l'Elysée les porte-drapeaux d'une excellence marocaine rare. On a tout dit, tout écrit sur leur parcours pour souligner le tempérament de battant qui les a fait monter au sommet, l'extraordinaire volonté de fer qui les anime, mais peu de chose a été dit sur la surprenante coïncidence de leurs origines. Rachida Dati, fille de Casablanca, magistrate de profession, qui devait à la base illustrer auprès de Nicolas Sarkozy sa disponibilité à valoriser les minorités à travers sa fameuse «discrimination positive», est devenue indispensable à la campagne du candidat de l'UMP au point de lui confier les tâches les plus sensibles : le rôle de démaquillant de la haine anti-Sarkozy, du pompier anti-brasiers, qui couvent dans les banlieues françaises et qui menacent de l'affaiblir sérieusement. Dès ses premières apparitions, son look à la Eva Longoria, la bombe latine de la célèbre série américaine «Desperate Housewives», son verbe construit, son regard perçant et doux à la fois font un ravage auprès des Français. Succès d'estime garanti pour cette femme dont, à la fois la fragilité apparente et la détermination interne suscitent curiosité et intérêts. Son caractère survolté, à l'image de son champion Nicolas Sarkozy, a failli lui jouer des tours. Récemment , participant à une rencontre entre Bruno Julliard, le leader du syndicat étudiant, organisée par Paul Wermus pour VSD, Rachida Dati s'est laissée aller à quelques réflexions politiquement salaces et a voulu faire de l'humour en disant qu'elle pourrait être «la ministre de la rénovation urbaine à coups de karcher». La blogosphère s'est fiévreusement emparée de l'affaire et a failli triturer son image et sa réputation. Ce genre de coups d'éclat ne risque pas d'arriver à Najat Belkacem, cette Franco-marocaine d'origine rifaine, née à Beni Chiker, un village près de Nador, ancienne attachée parlementaire après des études à sciences Po, que Ségolène Royal a choisie comme l'une de ses porte-parole. Pour Najat, ces présidentielles sont une fenêtre d'opportunité inespérée pour tenter de concrétiser le rêve d'une carrière politique patiemment construite : faire son entrée à l'Assemblée nationale en devenant députée de la ville de Lyon lors des législatives de juin prochain. «Une députée citoyenne qui s'engage parce qu'elle croit qu'une autre France est possible, plus prospère, solidaire, plus juste et plus sûre», comme elle aime à le répéter à l'envie. La présence de Najat Belkacem auprès de Ségolène ne détonne pas, la gauche française dans sa variété ayant une tradition d'avance sur l'UMP dans l'ouverture relative de ses rangs aux minorités dites visibles. Par contre, il s'agit d'une toute nouvelle expérience que tente de mener le jeune Franco-marocain Aziz Senni, originaire de Khouribga, auprès du centriste François Bayrou. Aziz Senni qui dirige depuis Mantes-La-Jolie dans la banlieue parisienne, une entreprise de transport, fit une remarquable entrée sur la scène médiatique en publiant un pamphlet d'une grande pertinence intitulé «L'ascenseur social est en panne… j'ai pris l'escalier» aux éditions Archipel, préfacé par Claude Bébéar, le célèbre patron français , fondateur du groupe AXA. Une véritable ode au mérite et à l'auto motivation pour sortir du piège de l'assistanat dans lequel les énergies créatives de toute une communauté ont été figées. Auprès de François Bayrou, il occupe, avec une certaine faconde, la fonction de «conseiller spécial pour les questions de société». Rachida, Najat et Aziz… Trois personnes originaires du Maroc, trois trajectoires qui creusent avec talents leurs sillons dans la vie politique française… Le tout est de savoir s'il s'agit d'un phénomène de mode passager, de communication politique provisoire ou d'une véritable lame de fond qui élève irrésistiblement les Marocains de France.