Alors que les blocages sur l'agriculture perdurent dans les négociations d'une zone de libre- échange avec les USA, le Maroc vient de franchir un pas important en direction de l'Europe. D'importantes dispositions sont rentrées en vigueur au premier janvier. Les dernières évolutions dans les négociations entre le Maroc et ses partenaires européens et américains n'ont pas connu les mêmes issues. L'approche graduelle adoptée par l'UE tranche avec l'option ultra-libérale des multinationales américaines peu réceptives aux arguments marocains. D'où d'ailleurs le blocage. Pour rappel, une bonne partie des multinationales américaines se trouve dans certains pays comme l'Amérique du Sud. Les négociateurs américains exigent pour leurs produits les mêmes conditions d'entrée au Maroc que pour ceux des entreprises se trouvant dans le territoire des USA. Avec l'Union Européenne, l'approche est différente. Depuis l'an 2000, à la signature de l'accord d'association, le volet agricole de par son caractère spécifique était maintenu en marge du processus. Il a fallu attendre quatre ans, pour que l'agriculture se mette à l'heure du libre-échange. Le pas franchi le premier janvier 2004 est le fruit d'un long processus, ayant abouti à la signature de l'accord sur les échanges agricoles en octobre 2003. L'agriculture marocaine aura le temps de digérer puisque la libéralisation, déjà partielle (des produits importants comme les céréales ne sont pas concernées), se fera étape par étape jusqu'en 2007. Les deux parties se sont convenues de négocier de nouvelles conventions en 2008. L'accord conclu avec l'UE, est une bonne aubaine. La quasi-totalité des exportations marocaines bénéficie de l'accès préférentiel dans le territoire de l'Union, privilège qui n'est pas étranger aux récentes manœuvres espagnoles de fermeture de frontières à la veille de Noël (confère www. Aujourdhui.ma). Le contingent marocain, constitué en majorité de fruits et de légumes, passe de 190 000 à 220 000 tonnes annuellement. Rappelons que le maraîchage à l'export a vu son volume de tomates sur l'UE augmenter de 10 000 tonnes cette année. Côté européen, ce sont les volumes d'exportations de blé tendre vers le Maroc qui seront revus à la hausse, en fonction des besoins du Maroc. Les deux parties ont convenu d'un système souple : lorsque la production nationale est inférieure à 2,1 millions de tonnes, le contingent à droit réduit importé de l'UE peut atteindre un million de tonnes. Au cas où la production nationale dépasserait la barre des 2,1 millions tonnes, cette quantité pourrait être ramenée à 400 000 tonnes. D'autres mécanismes d'accompagnement suivent cet accord. Il s'agit notamment des mécanismes d'accompagnement de la mise à niveau du tissu économique marocain. L'UE a prévu un certain nombre de mesures dans ce sens. En retour le Maroc lèvera certaines restrictions en vigueur, relatives aux transactions courantes. Mais, alors qu'avec l'UE, l'accord est graduel, concernant d'abord des secteurs exportateurs comme les fruits et légumes, avec les USA, gros producteur de céréales, il n'est ni plus ni moins que de la négociation d'un accord global. D'après des sources proches du dossier, les chances de voir les négociations aboutir courant janvier sont minimes. Les secteurs du lait, des céréales et les viandes risquent, au cas où le Maroc accèderait aux désidereta des lobbystes américains, de tomber dans la concurrence face à des multinationales bien armées. Si tel était le cas, souligne un membre de l'ASPAM, les producteurs essuieraient d'importantes pertes, consécutives à la baisse immédiate du prix des produits en compétition. Aussi, le Maroc voudrait s'accorder un délai avant l'application pleine de la ZLE avec l'Amérique, comme l'a fait la Jordanie, pour mettre à niveau le secteur. Le Maroc s'achemine donc vers l'ouverture de son agriculture. D'ici quelques années, la production agricole nationale devra affronter la concurrence internationale, chose inimaginable dans les conditions actuelles vu le caractère social du secteur, son retard, sa sous-mécanisation et sa faible productivité. Fait assez significatif, les experts et les négociateurs marocains n'arrivent pas à accorder leurs violons sur la période nécessaire au secteur pour sa mise à niveau. Une chose est sûre, entre le Maroc et les USA, on n'est pas à un round près.