Installé depuis six ans à Casablanca, Georg a tout d'abord fait partie de la caste des expatriés avant de se laisser imprégner de l'art de vivre marocain. Tout en s'efforçant de continuer à pratiquer son métier avec le plus grand souci d'intégrité et d'efficacité… Georg est ingénieur commercial. Il a la modestie de ceux qui ont patiemment et méthodiquement appris un métier. Il ne conçoit d'ailleurs pas d'en parler sans évoquer Bachir, son associé : «En fait, nous avons entrepris ce projet ensemble et nous fonctionnons en parfaite complémentarité». Ensemble ils ont fondé, il y a un an, une entreprise spécialisée dans la menuiserie métallique. Concrètement, il s'agit de vendre aux menuisiers les profilés en aluminium dont ils feront des portes, des fenêtres ou encore des comptoirs pour le compte de leurs clients, qu'il s'agisse d'entreprises ou de particuliers. Ce qui a permis à Georg, depuis qu'il est installé à son compte, de découvrir toute la gamme des profils sociaux et professionnels du Maroc quotidien. Cela fait six ans qu'il s'est installé à Casablanca. Pour commencer, en qualité de directeur commercial d'une firme allemande spécialisée dans les produits chimiques. Rien d'étonnant après tout, Georg est Allemand. Originaire de Cologne, sur la rive du Rhin, il a été naturellement imprégné des particularités de la région rhénane, dont la culture doit autant aux traditions romanes qu'au patrimoine germanique. C'est sans doute ce qui l'a rendu si apte à s'acclimater dans un univers aussi composite que l'est notre pays. En 1999, il s'installe dans la situation de l'expatrié au service d'une firme multinationale en qualité de directeur commercial. Trois ans plus tard, ayant estimé qu'il n'évoluait plus suffisamment à ce poste, il décide de changer de cap : il change d'employeur et de domaine d'activité par-dessus le marché. C'est dans une entreprise espagnole de menuiserie aluminium qu'il exerce désormais sa fonction d'ingénierie commerciale. Quant à sa vie de tous les jours, elle est marquée par son statut d'expatrié gravitant dans un cercle relativement fermé, entre amitié et mondanités. Jusqu'au jour où Georg se rend compte que le Maroc vaut bien autre chose qu'un séjour superficiel. Que le sens de l'amitié est une valeur extrêmement partagée au Maroc. Surtout, que son expérience de terrain lui permet d'envisager de s'installer à son compte. Et ce, d'autant plus volontiers que le destin lui a fait rencontrer le partenaire idéal, le type d'associé avec lequel il pourra fonctionner en harmonie et avec efficacité. L'affaire est loin d'être gagnée d'avance, les perspectives sont celles d'un démarrage d'activité sur un marché confus et pléthorique, où tous les coups – ou presque – sont permis. Georg n'en dit pas plus mais son sourire traduit clairement qu'il s'offre le luxe de refuser de vendre son âme au diable et que tout bien considéré, cela lui réussit. Les anecdotes qu'il lui arrive de confier à ses amis font sourire, en effet. Tel cet installateur qui lui devait toujours une consistante somme d'argent malgré d'innombrables relances et autant de prolongations de délai de paiement. Son associé craignant de perdre patience devant une aussi flagrante mauvaise foi, Georg s'en était donc chargé : aller-retour Casablanca-Meknès, descente surprise chez le client débiteur récalcitrant et ouverture d'une négociation de type courtois mais ferme, avec arguments anti-mauvaise foi et contre intimidation théâtralisée… Avec aussi, déplore Georg sans pour autant se laisser décourager, l'impression dominante d'un déplorable gaspillage d'énergie… Il y a aussi, heureusement pour lui, toutes ces rencontres avec les habitants de ce Casablanca dont on ne parle pas. Le Casablanca de ces quartiers périphériques dits populaires dont Georg a tout de suite été conquis par le naturel et la vitalité. Un territoire d'activité où il lui arrive tout aussi bien de fournir des portes et des fenêtres pour tout un immeuble que de réaliser un devis pour une micro-boutique de friandises sucrées et salées… L'important est que le client soit satisfait, c'est-à-dire qu'il ait le sentiment d'avoir été efficacement assisté dans la réalisation de son projet. «Ma fonction d'ingénieur commercial m'amène à envisager ma prestation sous l'angle du conseil expert, destiné à permettre au client final d'obtenir effectivement le résultat dont il rêvait. A partir de là, nous mettons tout en œuvre, mon associé et moi-même, pour que la commande de travaux qu'il a faite du menuisier soit réalisée dans les meilleures conditions de procédures et de prestations.» Procédures et prestations… Il n'est pas toujours facile, pour Georg, de concilier une telle approche du travail avec les habitudes dominantes de son environnement humain. Mais il n'en souffre pas plus que la moyenne des entrepreneurs, qu'ils soient marocains ou pas d'ailleurs : manque de sérieux dans les rendez-vous, respect flou des engagements, retards infinis dans les paiements… Il en a fait, lui aussi, son pain quotidien à cette différence près qu'il ne s'en laisse pas gaver. Sans doute parce qu'il a également réussi à trouver clients et partenaires à son image. Et qu'il les a bien mérités.