Pour Aziz Rebbah, responsable national de la jeunesse du PJD, le temps des débats théologiques est terminé. Désormais, place doit être faite à l'efficacité et aux gestionnaires. ALM : Votre parti a, récemment, tenu son conseil national qui a réaffirmé l'Islam comme étant le référentiel majeur de votre projet politique. Comment assumez-vous ce statut de garant de l'orthodoxie religieuse malgré le rôle que d'autres institutions jouent au Maroc ? Aziz Rebbah : Le conseil national n'est pas l'instance qui fixe les orientations du parti en matière idéologique. Cela dit, le conseil national du PJD n'a fait que rappeler notre attachement aux fondements constitutionnels de notre vie publique, à savoir le fait que l'Islam est la religion de l'Etat et que le Souverain est le commandeur des croyants. En vérité, le message consistait surtout en un appel à la mobilisation et une réponse positive au souhait du Souverain d'engager une dynamique sérieuse de mise en place des conditions d'une bonne gouvernance à tous les niveaux de responsabilité. Concrètement, nous avons fait de la moralisation le thème directeur de cette mobilisation, dans la mesure où le rang qu'occupe notre pays sur l'échelle de la corruption est un vrai sujet d'inquiétude. Il ne s'agit pas pour autant d'un fanatisme moral mais d'une approche pragmatique : comment instaurer une justice vertueuse et transparente ? comment rétablir la confiance dans les institutions sans procéder à l'éradication des traditions de corruption qui nous handicapent très gravement ? Comment prétendre mener à bien les grands chantiers du tourisme par exemple sans se soucier de la qualité des ressources humaines que l'on y consacrera ? Nous attendons de chaque citoyen, en fonction de son niveau de responsabilité, qu'il se montre à la hauteur désormais, notamment en termes de patriotisme. Car, il ne faut pas oublier que notre pays passe par une phase critique et décisive de son histoire. Il s'agit de gérer beaucoup de dossiers hérités du passé, qui tiennent essentiellement à la moralisation de la vie publique et à l'instauration d'un régime de bonne gouvernance, à la protection des ressources naturelles et à la modernisation de la vie politique. Le Maroc, qui est précisément en train de mener d'importants chantiers de développement social, économique et politique, a besoin pour mener à bien les projets engagés d'un environnement favorable et surtout d'un encadrement adéquat. Cet environnement doit se distinguer, selon nous, par l'effectivité de systèmes de contrôle permettant de maintenir ces projets dans le droit fil de l'efficacité attendue en prévenant et en sanctionnant toute dérive et tout abus. Dans une interview récente, Ahmed Raïssouni semblait estimer que les partis et mouvances islamiques méritaient de se voir reprocher leur manque de compétence. Qu'en pensez-vous ? Je commencerai par vous rapporter une autre déclaration de M. Raïssouni, par laquelle il applaudit l'action initiée par SM le Roi en matière de moralisation de la vie publique. Quant à la question des ressources humaines, il est vrai que la mouvance islamique en général et notre parti en particulier suscitent de plus en plus de sympathie parmi la population. Il devient, en effet, de plus en plus difficile de maintenir un niveau satisfaisant de qualité, de moralité et aussi, bien entendu, de compétences. C'est la raison pour laquelle il est important d'aborder cette question sous l'angle de la primauté de l'action de terrain sur la théorie et les slogans. Le temps des débats théologiques est terminé, place aux gestionnaires de projets. Vos détracteurs vous reprochent pourtant d'accumuler les fiascos en matière de gestion municipale, à Meknès et Khénifra par exemple. Il y a aussi le climat pour le moins conflictuel que vous semblez entretenir à Kénitra, dont vous contestez la façon dont cette ville et sa région sont administrées. Nous invitons nos détracteurs à aller à la rencontre des citoyens sur le terrain dans ces villes que vous citez. Ils vous diront notamment les espoirs qu'ils plaçaient dans les actions que nous avions annoncées et qui n'ont malheureusement pas pu être entreprises. La cause en est le plus souvent la difficulté qu'il y a à agir au sein d'une coalition. Pour ce qui est de Kénitra, le contexte est malheureusement celui d'une énorme urgence. Les Kénitréens désespèrent d'ailleurs tellement de l'inaction de leur conseil municipal depuis trois ans qu'ils n'attendent plus aujourd'hui que la visite que le Souverain doit effectuer dans la région. Je confirme pour, ma part, le sentiment quasi général d'impatience de voir enfin Kénitra et le Gharb bénéficier d'un véritable programme de développement, d'une nouvelle dynamique et ce, dans trois directions : moralisation de la gestion de la chose publique, développement social et économique et surtout, préservation et exploitation rationnelle des ressources naturelles. Kénitra constitue, en outre, un parfait exemple de ce processus de dégradation continue du niveau de vie et de la qualité des prestations de services publics, qui ne devraient pas être appréciés en fonction de paramètres d'ordre idéologique, exceptés le respect de notre identité et de nos traditions. Cela dit, il faut donner aux partis les moyens de gérer effectivement les problèmes.