Avocate au barreau de Rabat, Me Fatima Zahra Boukaïssi est aussi militante pour les droits de la femme. Dans cet entretien, elle donne son avis sur les campagnes de lutte contre la violence à l'égard des femmes et nous éclaire sur les lacunes dont souffre la loi, actuellement. ALM : Cette 4ème campagne de lutte contre la violence à l'égard des femmes s'intéresse de très près aux textes législatifs. De quoi s'agit-il exactement ? Me Fatima Zahra Boukaïssi : A l'occasion de la 4ème campagne de lutte contre la violence à l'égard de la femme, le secrétariat d'Etat chargée de la Famille, de l'Enfance et des Personnes handicapées présente une loi qui a pour but la protection de la femme et de la jeune fille contre la violence corporelle et morale de la part du mari …d'une personne étrangère. Cette loi, qui fait en ce moment même l'objet de discussion, propose aussi de compléter l'article 503 (1) du code pénale afin de mettre en place des sanctions contre l'auteur de l'harcèlement sexuel dans la rue et non pas uniquement dans les lieux du travail. Cela permettra donc d'élargir un peu la protection contre tout type de harcèlement. La réforme de cette loi répond aux différentes lacunes qui entravent la protection des droits de la femme. Quelles sont les modifications prévues ? Il y a eu des modifications dans le code pénal marocain comme pour ce qui est de l'article 503-1. Grâce à ce dernier, le harcèlement sexuel revêt, à présent, un aspect de délit. Ce changement apporté a permis de déterminer, également, la sanction contre le harcèlement sexuel: un à deux ans d'emprisonnement et d'une amende de 5.000.00 à 50.000.00 DH. La modification du même article de loi a aussi accordé des circonstances atténuantes à l'épouse qui tue son mari au cas où elle le découvre en flagrant délit d'adultère. Mais s'il y a eu des modifications avantageuses en faveur de la femme. Il existe toujours, malheureusement, des lacunes dans les textes de loi. L'article 53 du code de la famille est un exemple des plus éloquents, car il ne donne pas la compétence qu'il faut au Parquet général pour permettre à la femme de revenir au domicile conjugal si elle en a été expulsée. L'article 168, également du même code, ne protège pas l'enfant gardé de l'expulsion du domicile familial en cas de vente de la maison aux enchères lorsque cette dernière a été acquise dans la division entre conjoints. Autre lacune, toujours dans le code de la famille, je citerais les articles 94, 95, 96, 97 concernant le divorce pour discorde qui permet au mari de divorcer sans verser de pension alimentaire ni à l'épouse ni aux enfants. Il ne verse cette pension qu'une fois le jugement est définitif après la procédure d'appel. Il y a, par ailleurs, l'article 475 du code pénal qui permet à l'inculpé dans le crime de l'enlèvement d'une mineure, de mettre fin à son emprisonnement si ce dernier épouse la victime alors qu'elle est mineure. L'article 496 du code pénal sanctionne, lui, la personne qui offre un abri à une femme mariée ayant quitté son domicile conjugal. D'après votre expérience de militante et d'avocate, est-ce qu'avoir une loi suffit dans la lutte contre la violence à l'égard des femmes ? Pour moi, la promulgation d'une loi n'est jamais suffisante pour que la lutte contre la violence à l'égard de la femme aboutisse à du concret. Il faut surtout éduquer la société à respecter l'autre qu'il soit femme, homme où enfant. Que pensez-vous des spots que diffusent les deux chaînes nationales à propos du harcèlement sexuel dont fait l'objet cette campagne ? En toute franchise, ces deux spots ne montrent pas clairement le harcèlement sexuel comme il est en réalité. Dans la rue, tout le monde sait que c'est plus insolent que cela et c'est une grave effraction vis-à-vis de nos mœurs et de notre éducation islamique et marocaine.