L'élection du nouveau conseil de l'Ordre des médecins, qui devait avoir lieu en 2001, est finalement prévue le 26 novembre. Mais le processus est sévèrement contesté par l'ensemble de la profession, qui multiplie les actions de protestation. «La médecine en désordre, c'est bientôt fini ! Notre message a été entendu!» Les membres de la commission nationale de coordination des sept syndicats représentatifs des médecins des secteurs privé public et universitaire, créée en 2004, aperçoivent enfin le bout du tunnel. Cela fait cinq ans en effet qu'ils se battent pour obtenir que l'élection du conseil de l'Ordre national des médecins soit le point de départ d'un véritable processus de démocratisation de cette instance. A commencer par l'élection de leur président, qui jusque-là était nommé. Cela n'aura pas été sans peine et il aura fallu en arriver à des actions radicales : déjà, en 2004, une pétition signée par 2500 médecins avait été envoyée au gouvernement et au Parlement ; dès demain mardi, une action en justice sera engagée pour demander l'annulation des bulletins de vote imprimés en perspective des élections prévues pour se tenir le 26 novembre ; un sit-in se tiendra le 12 novembre devant le nouveau siège du conseil national de l'Ordre des médecins ; enfin, en point d'orgue, un appel à la grève générale a été lancé pour un débrayage d'une ampleur exceptionnelle le 24 novembre. Si la coordination des médecins met ainsi le paquet, c'est que la situation était devenue intolérable. Premier symptôme, évoqué par le docteur Mohammed Naciri Bennani, président du Syndicat national des médecins du secteur libéral (SNMSL), ces 150 plaintes déposées auprès du conseil de l'Ordre et restées sans suite. Ces plaintes ont pour objet des cas d'exercice illégal ou immoral de la médecine parmi lesquels le docteur Bennani dénonce avec vigueur : «Développement de pseudo thérapies par ventouses, piqûres d'abeilles, lavage utérin et autres formes de charlatanisme ; vente de toutes sortes de médicaments sans ordonnance médicale ; naissance et développement de structures hospitalières illégales telles que les polycliniques de la CNSS qui exercent sans aucune autorisation ; établissement de conventions non déontologiques par des offices publics avec des médecins ou établissements de soins; établissement de conventions par des ambassades ou des établissements étrangers avec des médecins, qui obligent leurs employés ou les candidats à l'immigration à payer des examens médicaux à un prix dépassant cinq fois le prix normal pratiqué dans le secteur libéral ; développement de la corruption sous forme de «ristournes» ou «commissions» qui varient entre 15% et 25% du prix de l'acte, entre médecins et établissements de soins, médecins et laboratoires d'analyse, et enfin entre médecins et certaines sociétés d'industrie pharmaceutique, ce qui met en danger l'indépendance de la décision médicale». On s'en rend compte, le prochain conseil de l'Ordre a du pain sur la planche… Le problème est que l'autorité disciplinaire du conseil de l'Ordre, qui n'est pas là, rappellent certains praticiens, pour défendre les médecins mais pas le public, se concrétise rarement dans les faits. Sans doute parce que les conseils régionaux, dénonce en substance le docteur Chennaoui, secrétaire général du Syndicat national de la santé publique (affilié à la CDT), n'ont pas les moyens de leur mission, à commencer par les moyens humains. Sans doute aussi, poursuit-il, parce que la motivation n'y est pas… Autres symptômes, l'annulation des élections des conseils régionaux de l'Ordre, faute de candidats et pour finir de dresser le tableau des signes inquiétants d'un mal de toute évidence profond, le fait que les bulletins de vote pour l'élection du Conseil national ne comportaient pas assez d'éléments d'identification des candidats, d'où l'action en justice de demande d'annulation. Forts de leur union, les médecins des secteurs public, privé et universitaire ont aujourd'hui le sentiment d'avoir été entendus, et la conviction d'avoir crevé l'abcès d'une médecine malade de son autorité…