Adepte de l'argent facile, Lhousseïne trompe la confiance de deux mères de famille en leur promettant de faire recruter leurs filles par un hôtel au Koweït. 55 mille dirhams plus tard, les deux malheureuses et leurs filles découvrent que Lhousseïne n'est qu'un escroc. Fatima ne se souvient pas comment elle est arrivée à engager une conversation avec Lhousseïne. C'était à Derb Moulay Cherif, quartier de Hay Mohammadi, à Casablanca où elle ne réside pas mais où elle était venue rendre visite à sa sœur. Fatima n'avait jamais rencontré Lhousseïne auparavant. Une quarantaine d'années, élégant, parlant bien, le genre d'homme qui pèse ses mots. Il n'en fallait pas moins pour que Fatima, mère de famille respectable, sérieuse et réservée, rien d'une femme facile, engage la conversation. Et encore ne parvient-elle pas à se souvenir comment cet homme a pu l'amener ainsi à parler du drame vécu par sa fille, au chômage depuis de trop longues années. «Elle n'a décroché sa licence que pour rester finalement cloîtrée à la maison et attendre qu'un homme veuille bien l'épouser… », raconte-t-elle à Lhousseïne qui lui donne profondément l'impression de compatir sincèrement à ses malheurs. Au point que Fatima semble avoir oublié sa sœur, à qui elle est venue rendre visite mais que l'évocation du calvaire de sa fille lui a fait oublier. « Chacune de ses demandes d'emploi s'achève de la même façon : déception et découragement », raconte-t-elle avec amertume, au bord des larmes. Mais pourquoi Fatima livre-t-elle ainsi à cet homme le drame secret de sa vie ? Pourquoi lui fait-elle confiance ? S'imagine-t-elle que Lhousseïne détient le moyen de lui rendre service ? De trouver un travail à sa fille ? C'est alors que l'homme fait à Fatima une déclaration qui la comble de joie et de soulagement : « La sincérité de ton âme et la pureté de ton cœur auront raison du mauvais sort qui s'acharne sur ta fille ! C'est un heureux destin qui t'a fait croiser mon chemin. Car je suis en mesure, par la grâce de Dieu, de mettre fin à ton chagrin.» Fatima a soudain l'impression d'être touchée par la grâce infinie de Dieu. Lhousseïne est donc en mesure de trouver un emploi à sa fille ? Oui, répond l'autre, qui affirme avoir déjà aidé plusieurs chômeurs à décrocher un emploi, et même des chômeurs sans diplômes. Cela dans la mesure où, explique-t-il à Fatima, les diplômes importent peu, tout ce qui compte étant l'argent : « Pour trouver un travail, il suffit de payer ». Quant au travail en question, il passe par la voie de l'émigration, au Koweït plus précisément. Un travail pour sa fille au Koweït ? Fatima pousse un profond soupir de soulagement. Mais très vite, les questions se bousculent dans son esprit et elle les déverse sur Lhousseïne : «Que fera sa fille au Koweït ? Aura-t-elle un contrat de travail ? Dans quel genre d'établissement sera-t-elle employée ? Pour quel salaire ? Et combien doit-elle verser à Lhousseïne en échange de son intervention ? » Tranquillement, Lhousseïne répond aux questions de la pauvre femme. Il lui explique qu'il entretient une relation d'amitié avec une certaine Lhadja, ressortissante marocaine au Koweït, qui chaque fois qu'elle est de retour au Maroc lui confie des contrats de travail qu'elle le charge de monnayer, à trente mille dirhams le contrat. Trente mille dirhams pour que sa fille trouve un travail ? Fatima accepte immédiatement la proposition. À condition toutefois que Lhousseïne lui accorde une facilité de paiement. Elle lui propose donc cinq mille dirhams comme avance. Mais Lhousseïne refuse, arguant que les contrats proposés par Lhadja sont en nombre limité et que la demande est tellement grande que certains sont même prêts à payer plus que le prix demandé. Fatima se voit donc contrainte d'emprunter la somme de dix mille dirhams. Le versement se fait en présence d'une amie de Fatima. « Ta fille sera au Koweït dans trois mois… », promet Lhousseïne en empochant l'argent. C'est alors que l'amie de Fatima se dit qu'elle pourrait elle aussi faire bénéficier sa fille des services de Lhousseïne et cette providentielle Lhadja. Mais elle n'en parle pas à Fatima. Elle rassemble donc les trente mille dirhams et les remet à Lhousseïne. Mais le temps passe et ni Fatima ni son amie ne reçoivent les contrats de travail tant attendus. Chaque fois qu'elles relancent Lhousseïne, celui-ci leur promet que Lhadja sera bientôt à Casablanca. Jusqu'à ce que, prise d'un doute grandissant, l'amie de Fatima finisse par lui révéler avoir eu recours, elle aussi, aux services de l'intermédiaire en contrats de travail. D'un reproche à l'autre, les deux amies se rendent compte finalement qu'eles ont été bernées par un escroc et que la seule chose à faire désormais est de porter plainte contre ce Lhousseïne de malheur. Le lendemain matin, à la première heure, deux femmes se rendent au commissariat de police de Sidi Bernoussi-Zénata et déclenchent ainsi la chasse à l'escroc. La nuit, vers 21 h, Lhousseïne est arrêté à la terrasse d'un café devant la consommation qui venait de lui être servie. Son interrogatoire ne traîne pas : il avoue tout. Lhousseïne s'est donc retrouvé devant le tribunal de première instance de Casablanca pour être jugé et condamné. Fatima et son amie ont appris à leurs dépens qu'en matière de promesse d'embauche, il y a contrat et contrat.