Pour Me Maurice Buttin, avocat parisien de la famille de Mehdi Ben Barka, les «regards doivent désormais se tourner vers la France». Que s'est-il passé le 2 octobre au siège du Conseil consultatif des droits de l'Homme (CCDH), à Rabat ? Le déplacement de l'avocat parisien de la famille de Mehdi Ben Barka, Me Maurice Buttin, était-il une simple « visite de routine » ? Ou était-il lié à l'apparition de « nouveaux indices » dans l'enquête que le CCDH mène sur le sort de Mehdi Ben Barka, depuis que le Conseil a pris la relève de l'Instance Equité et Réconciliation (IER) ? Contacté par « ALM », un membre du CCDH nous a précisé sous le couvert de l'anonymat courant que ces dernières semaines, «un collègue (à lui) a pris contact avec Me Maurice Buttin pour l'inviter à une rencontre à Rabat autour de l'affaire Ben Barka ». Cette invitation, constate notre source, «intervient alors que, il y a trois semaines, le CCDH avait découvert, à Errachidia, dans le cimetière Lahdab, les tombes de Mohamed Bennouna, tué lors des événements de Moulay Bouazza en 1973, et de Moulay Slimane Alaoui, ancien militant de l'UNFP». Il s'agissait d'un grand pas vers l'établissement de la vérité, compte tenu du calibre de l'ancien dirigeant du mouvement révolutionnaire dit Tanzim, Mohamed Bennouna, qui n'est autre que le père de Mehdi, auteur du célèbre ouvrage « Héros sans gloire » (Prix Grand Atlas). «L'importance de Mohamed Bennouna était aussi patente que celle de Mehdi Ben Barka», précise notre interlocuteur. Cette découverte intervient, également, au lendemain de la localisation des victimes des événements sociaux de mars 1965, à la mémoire desquelles le CCDH avait organisé le 16 juin dernier une cérémonie de recueillement. C'est dans ce nouveau contexte, marqué par l'émergence de nouveaux indicateurs sur la disparition de plusieurs anciens opposants que s'inscrit la rencontre que l'avocat de la famille de Ben Barka, a tenue lundi 2 octobre avec le CCDH. Lors de cette rencontre, a dit Me Buttin, «j'ai pris acte de la volonté de la commission de poursuivre les recherches de la vérité quant à la disparition de Mehdi Ben Barka, tâche que lui a principalement confiée SM. le Roi Mohammed VI», a-t-il déclaré en faisant référence au fait que la commission de suivi du CCDH a été chargée par le Souverain de mettre en œuvre les recommandations de l'Instance Equité et Réconciliation (IER). «Cette vérité permettra seule à l'épouse de Mehdi Ben Barka et à ses enfants de faire enfin leur deuil», a indiqué leur défense en exhortant le Royaume à persévérer dans ses efforts pour l'accomplissement de ce travail de mémoire. Qualifiant de « constructifs » ces efforts, Me Buttin a affirmé, toujours selon un membre du CCDH, que «les regards devront désormais se tourner vers la France». Une critique, à peine voilée, du «silence » observé par les autorités françaises à propos de l'affaire. Une posture qui est de plus en plus critiquée au sein de l'Hexagone. A titre d'exemple, en avril 2006, Lucien Aimé-Blanc, ex-dirigeant d'une brigade antigang à Paris, avait publié un livre intitulé «L'Indic et le commissaire» prouvant, sur la base de rapports d'écoutes téléphoniques, que les services de police français ne pouvaient ignorer qu'une «mauvaise action» se préparait contre Mehdi Ben Barka. Pour l'ancien commissaire, le cabinet du Premier ministre de l'époque, Georges-Pompidou, était bel et bien au courant du projet d'enlèvement de l'opposant marocain, à Paris, le 29 octobre 1965. Ce jour-là, Mehdi Ben Barka devait déjeuner chez Lipp, boulevard Saint-Germain, à Paris, avec le cinéaste George Franju pour préparer un film sur la décolonisation qui devait s'intituler « Basta!». En réalité, ce rendez-vous n'était qu'un piège pour attirer Ben Barka dans un guet-apens. Les renseignements français ne pouvaient pas ne pas être au courant.