La racine du mal doit être coupée à la base et sa source tarie par une mobilisation sociale aussi exceptionnelle que le phénomène lui-même. L'islamisme marocain, à l'instar de tous les autres, pose une seule problématique, celle du pouvoir, de sa conquête et de son exercice. Qu'il soit sous sa forme spirituelle, salafiste, institutionnalisée , terroriste ou jihadiste, l'objectif est le même. Bien évidemment, seules les méthodes changent. Pour certains mouvements intégristes la participation au «jeu» démocratique, comme ils l'appellent, fait partie de la stratégie. Pour d'autres , c'est l'infiltration progressive de l'appareil d'Etat et l'endoctrinement de la société en attendant la «kawma», le grand soir intégriste. Pour d'autres, c'est l'action violente, le terrorisme, désormais, mondialisé. Dans notre pays, toutes ces composantes existent. La lutte des services de sécurité de l'Etat contre l'intégrisme revêt, par conséquent, elle aussi, de multiples formes. Mais, quelle que soit l'intensité de cette lutte, c'est la société qui doit, clairement, rejeter toutes les formes d'extrémisme qui la travaillent et toutes les déviances accomplies au nom de la foi des musulmans. La racine du mal doit être coupée à la base et sa source tarie par une mobilisation sociale aussi exceptionnelle que le phénomène lui-même. L'étude de Lakhdar Ferrat pour ce qui concerne Al Adl Wal Ihssane montre que les stratégies sont élaborées, les discours rodés et les dispositifs opérationnels. Le rapport de force avec l'Etat est de nature « programmatique », inhérent à la « philosophie » du mouvement et ne relève d'aucun caractère conjoncturel. Croire l'inverse, c'est se tromper lourdement. La base sociale du terrorisme est souvent entretenue dans, et en marge, de ses mouvances qui cultivent en permanence le double discours, le déni, le «défaussement» et l'ambiguïté. La construction démocratique offre, quant à elle, des opportunités que les extrémistes de tous bords savent exploiter. Mais au-delà de cette étude la question pour nous reste de savoir si un Etat, à la puissance sécuritaire «fantasmée» et surdimensionnée, peut sauver une société qui a décidé, même inconsciemment, de s'abandonner, dans un élan morbide, à ceux qui vont la détruire et détruire son organisation et ses institutions. Le fond est là, le reste n'est que conjectures. Un rendez-vous comme celui de 2007 n'est qu'une étape dans ce combat. Bien sûr qu'il faut protéger la société marocaine lors de ce rendez-vous démocratique important, mais l'enjeu véritable c'est l'immunisation du corps social dans sa globalité contre le virus de l'extrémisme. Les réformes multiples entreprises font partie du processus d'immunisation, à condition que les fruits de ces réformes soient cueillies à temps.