En ordonnant que le drapeau irakien soit hissé «sur chaque centimètre de terre irakienne», le Premier ministre Nouri Al-Maliki a ressuscité le débat sur l'autonomie du Kurdistan. Dans un pays découpé en morceaux et où la mort rôde à chaque coin de rue, le premier ministre Nouri Al-Maliki a misé sur le nationalisme pour unir les rangs. Il a ordonné dimanche que le drapeau irakien soit hissé «sur chaque centimètre de terre irakienne». Une initiative mal cadrée et mal calculée. Résultat : la question très sensible de l'autonomie du Kurdistan irakien a refait surface et la tentation séparatiste est revenue au premier plan de la scène politique. Le gouvernement régional kurde n'a pas tardé à réagir contre cette décision en ordonnant que le drapeau kurde flotte seul sur les bâtiments publics de la région automne du Kurdistan irakien, où il était parfois associé au drapeau irakien. « Dans les régions où le drapeau baâssiste était arboré, nous ordonnons qu'il soit ôté et remplacé par le drapeau kurde », a demandé le gouvernement régional. Le «drapeau baâssiste» désigne péjorativement le drapeau irakien. Celui-ci se compose de trois bandes horizontales rouge, blanche et noire portant trois étoiles et l'inscription Allah Akbar (Dieu est le plus grand) en vert, couleur de l'Islam, adjointe par Saddam Hussein. La controverse entre les autorités régionales kurdes et le gouvernement central irakien sur la question du drapeau a poussé le président Jalal Talabani, un Kurde, à entrer lundi dans le débat. Pris entre son rôle de président de l'Irak et son hostilité envers un emblème qu'il qualifie de «drapeau de Saddam souillé par le sang», Jalal Talabani a néanmoins essayé de calmer le jeu. « Il y a un vide constitutionnel autour du drapeau officiel irakien, qui n'a pas été officiellement défini. C'est ce qui a conduit le Parlement kurde à adopter son propre drapeau en attendant l'adoption d'un nouveau drapeau irakien», a-t-il estimé dans un communiqué. Ce qui n'a pas empêché le président du Kurdistan autonome, Massoud Barzani, de revenir à la charge : « partout dans le monde, quand une dictature est renversée, les symboles qui lui étaient associés disparaissent. Le drapeau du chauvinisme ne sera pas hissé sur le Kurdistan d'Irak». «M. Al-Maliki sait pourtant très bien que c'est à l'ombre de ce drapeau que Saddam Hussein a signé l'ordre d'exécution de 600 cadres du parti Daâwa en une seule journée», a ajouté le chef kurde. L'administration du Kurdistan, auparavant divisée entre les deux factions rivales de l'Union patriotique du Kurdistan (UPK) de Jalal Talabani et du Parti démocratique du Kurdistan (PDK) de Massoud Barzani, a récemment été unifiée. Dans la province de Soulaimaniyah, bastion de Jalal Talabani, qui est aussi le président irakien, le drapeau irakien figurait parfois au côté du drapeau kurde sur les bâtiments officiels. Mais il n'avait pas droit de cité dans la province d'Erbil, fief de Massoud Barzani, devenu président de la région autonome du Kurdistan. «Ce drapeau date de 1963 et, depuis, ont été commis tous les massacres, les meurtres collectifs et les crimes », c'est pourquoi « il est impossible de hisser ce drapeau au Kurdistan car il reflète une des périodes les plus sombres de l'histoire de l'Irak », avait déclaré en mars 2005 M. Barzani. En avril 2005, Jalal Talabani avait prêté serment en tant que président sur le drapeau irakien, mais il avait exprimé le souhait d'un changement d'emblème national.