Le parcours de promenade récemment créé dans les ruelles de l'ancienne médina de Casablanca fait désormais partie du quotidien. De nouvelles habitudes s'y sont installées, mais quelques vieux démons sont toujours là… Bienvenue au jardin Arsat Zerktouni, dans l'ancienne médina de Casablanca ! Moins d'un mois après l'inauguration de cet espace entièrement réhabilité (cf ALM n°1201), de nouvelles habitudes s'y sont enracinées, notamment celle de venir admirer la sculpture d'Abderrahmane Banana qui trône à l'entrée du jardin mais certaines traditions demeurent. Abdelhaq Dabib, navigateur en retraite, l'un des habitués du café La Nature de Driss Hassanate, en témoigne : «Nous sommes extrêmement satisfaits du renouveau de ce jardin qui a changé la vie des riverains. Le seul point noir est que les enfants continuent d'y jouer au football et les gardiens ne peuvent malheureusement rien contre eux… Tout ça parce qu'il y a trois ans, un maudit politicien s'est opposé à l'aménagement d'un terrain de minifoot à l'emplacement du jardin voisin de la Sqala. Résultat : ce jardin est infréquentable la nuit et ceux qui craignaient le vacarme des parties de ballon doivent subir d'autres nuisances, infiniment plus malsaines…» Des espaces de jeux pour les enfants! Telle est la revendication récurrente des habitants de l'ancienne médina, qui doivent se contenter pour l'instant du parcours de promenade balisé par le désormais célèbre fil d'Ariane de l'artiste Hassan Echair. Le parcours commence rue Sour Jdid, avec la sculpture signée Hassani, un empilement de cubes qui font le bonheur des gamins. Il y a bien eu, racontent les voisins, cette chute d'un garçon de quatorze ans qui s'est fracturé la mâchoire mais depuis que les cubes sont là, plus moyen de jouer au football et rien que pour ça, déclare ce riverain : «Vive l'art dans la rue !» Le «fil» déroule son interminable bandeau bleu-ciel le long de la rue Sour Jdid jusqu'à la place Sidi Karouani. A gauche, le mausolée et plus loin, la petite entrée de la Sqala avant de s'engager à droite dans la rue Al Bahriya. Etrangement, le fil se prolonge dans la rue de Safi qui s'ouvre sur votre droite mais ne le suivez pas, continuez tout droit même si par là, le fil a disparu et les murs de la médina ont retrouvé leur banalité d'autrefois. Soudain, plus rien ne vient signaler au promeneur, visiteur étranger ou touriste intérieur, que les responsables municipaux et associatifs ont décidé de transformer l'image de l'ancienne médina. La preuve, Youssef et Milka, jeune couple maroco-polonais, 22 ans chacun, n'ont pas été particulièrement frappés par les traces de ce renouveau. Surtout Milka, qui dit apprécier le côté pittoresque de la pauvreté joyeuse et tellement exotique du quartier. En arrivant sur la place de Belgique, arrêtez-vous un instant devant la maison cédée en 1902 au gouvernement allemand avant d'être rétrocédée en 1920 par la France au Sultan Moulay Youssef en vertu des dispositions du traité de Versailles. A partir de là, le choix s'offre de nouveau à vous. A droite, une ruelle typique de la médina non balisée, avec son foisonnement de bruits et de couleurs, si vous souhaitez vous plonger dans la vraie vie du quartier. Tandis que sur la gauche, le fil d'Ariane se poursuit dans la rue de la Douane, vers la place Ahmed El Bidaoui et la Porte de la Marine. L'occasion de faire la connaissance de Mohammed Aït Mouh, réceptionniste de l'Auberge de Jeunesse, qui témoigne à son tour : «La médina a fait peau neuve c'est vrai mais côté sécurité, rien n'a changé. Nous continuons à craindre pour nos clients et surtout pour nos clientes…» Comme elle est belle pourtant la place Ahmed El Bidaoui, avec ses terrasses de café et son hôtel Casablanca entièrement rénové : un vrai décor de cinéma, affirment ses plus fervents amoureux. Quelques centaines de mètres plus loin, on débouche enfin sur la place du mausolée de Sidi Bousmara, l'homme aux clous. Une petite halte? Le café-restaurant de Saïd vous accueille sans façons. Au menu, ses fameuses «kefta» de sardines dont il vous livrera volontiers la recette pour peu que vous lui promettiez de continuer à venir les déguster chez lui… A l'une des tables, on reconnaît ce jour-là la réalisatrice Farida Bourquia, en repérage pour les besoins d'un téléfilm dont le tournage débutera le 21 août et qui sera diffusé sur 2M. L'ancienne médina en décor de fiction pour la télévision ? Il faut sans doute y voir la preuve d'une réhabilitation réussie…