La deuxième édition du Festival de Casablanca a été marquée hier par l'inauguration d'un parcours de promenade dans l'ancienne médina. Quel beau dimanche, ce fut hier dans les ruelles et sur les places de l'ancienne médina de Casablanca! On n'en remerciera jamais assez les organisateurs du Festival de Casablanca, dont la deuxième édition nous offrait en hors-d'œuvre un parcours de promenade tout à fait passionnant entre tourisme et vécu quotidien. De Sidi Bousmara à Arsat Zerktouni, une foule immense a donc marché sur les pas de Mohamed Sajid, maire de Casablanca, en suivant le fil d'Ariane conçu et réalisé par Hassan Echair. Natif de Rommani, ce dernier est l'un des artistes conviés à enrichir de leurs œuvres ce parcours destiné à valoriser le patrimoine et le cadre de vie de cette partie de l'ancienne médina de Casablanca. Effacez donc vos souvenirs, rien n'est désormais plus comme avant! Le parcours commence au mausolée de Sidi Bousmara, revisité par Abderrahim Yamou avec la complicité de la paysagiste Yasmine Sijelmassi. Intitulée «Le Ficus à clous», leur oeuvre commune donne tout de suite le ton : place à l'art urbain dans le vécu quotidien! L'une des façades du mausolée, plantée d'une infinité de clous comme autant d'ex-voto, honore ainsi les milliers de pèlerins anonymes qui viennent implorer le saint de les débarrasser de leurs peines, par l'entremise d'un clou dans le ficus planté un jour par le saint. L'occasion pour Abdelhakim Ibrahimi N'tifi, commerçant, dont le témoignage figure dans la brochure réalisée à l'occasion de cette inauguration, de « rendre hommage à tous ceux qui ont introduit l'ancienne médina comme élément du projet de la future marina de Casablanca ». Amoureux de l'authenticité casablancaise, profitez donc de l'occasion ! Suivez le fil d'Ariane qui vous mènera successivement à la maison de Haj Mohamed Benjelloun, fondateur en 1937 du mythique club du Wydad ; puis à la maison de Mohamed Qibbou, surnommé le Maréchal pour sa virtuosité au violon dans l'accompagnement de la Aïta ; puis à la place Ahmed El Bidaoui, ancien centre de Casablanca avant la construction de la ville européenne et du port ; puis au sanctuaire de Lalla Taja, sainte femme qui se distingua par sa compassion pour les enfants abandonnés ; puis à la mosquée Ould El Hamra datant du XVIIIe siècle et reconstruite en même temps que la Sqala par le sultan Moulay Abderrahman ; puis à l'ancienne résidence française, dont feu SM Mohammed V fit don à la l'UMT au lendemain de l'indépendance ; puis à l'école El Fihriya, ex-Ballance, construite pendant le Protectorat pour les fils de notables de la ville ; puis à la zaouia Derqaouiya, l'une des plus anciennes confréries religieuses du Maroc ; puis à la Sqala, bastion construit en 1770 par des maîtres artisans génois sur ordre du sultan Mohammed Ben Abdallah ; puis au mausolée de Sidi Allal El Karouani, dont la présence dans l'ancienne Anfa est attestée dès 1350, date de la reprise de la cité par le sultan mérinide Abou al Hassan Ali ; puis aux cubes déployés de l'artiste Saâd Hassani, une œuvre créée spécialement pour cette deuxième édition du festival; puis à Arsat Zerktouni, dont les arbres furent plantés en 1912 et qui fut rebaptisée après l'indépendance du nom de Mohamed Zerktouni, martyr de la Résistance ; votre promenade s'achèvera devant la façade du Rick's Café, ce restaurant fondé il y a deux ans dans une maison construite au début du XXe siècle. En somme, largement de quoi redonner à l'ancienne médina, qui semble aujourd'hui rayonner de modernité, les moyens d'attirer et de séduire visiteurs nationaux et étrangers. C'est ainsi que le Festival de Casablanca, affirment ses promoteurs et organisateurs, pourra légitimement prétendre être autre chose qu'une simple semaine de fête multiculturelle et s'imposer comme un réel facteur de dynamisation socioéconomique de Casablanca. Le café «Chez l'Artiste», ouvert sur la palce de Sidi Bousmara par Saïd Raïss, artiste casablancais reconverti dans la restauration, témoigne de ce que pourrait devenir l'ancienne médina lorsque d'autres espaces de ce genre s'y créeront. Dans cette perspective, l'association Sidi Belyout annonce, par la voix de son président Abdelhaq Harrat, la mise en œuvre d'un projet destiné à former des jeunes du quartier afin qu'ils puissent assurer la fonction de vigiles au service du quartier et de ses résidents. Voilà qui devrait rassurer ceux qui craignent que, passé l'enthousiasme de cette semaine de festival, les choses reprennent leur cours habituel et que la négligence mette tout cela à bas… Quand des étudiants volaient au secours de l'ancienne Médina… Dans le cadre de leur stage de fin d'année, des étudiants de l'Ecole nationale d'architecture avaient élaboré, en 1998, les seules esquisses valables des façades les plus caractéristiques de l'ancienne Médina. Cette opération avait permis l'élaboration d'une approche du site et de l'environnement ainsi que l'établissement d'un relevé détaillé du bâti situé sur un circuit comprenant la place Ahmed El Bidaoui (ex. place Philibert), celle de la Résidence, celle du Commerce et celle de Belgique. Le résultat de ce travail avait fait l'objet de plusieurs expositions. Notamment au Conseil de l'Ordre des architectes du centre, à l'Institut Cervantès de Casablanca et à Bordeaux. Ont notamment été traitées dans ce cadre, les façades des maisons Alaoui, Ould Rachid, Elalouani Idrissi, Acherki, Zemmouri et Benjelloun ainsi que l'école Omar Ibn Abdelaziz . Si cette dernière a été construite vers 1902 pour abriter le consulat allemand, la maison Acherki qui date de 1893 a servi aux Anglais et la maison Elalouani a abrité un hôtel jadis réputé. Pour leur part, Dar Zemmouri et celle du regretté Benjelloun que tous les Wydadis connaissent sous le nom de Chocolat, elles sont réputées être d'une richesse architecturale incomparable, tant au niveau du caractère arabo-mauresque de leurs plans qu'en celui de l'équilibre esthétique de leur façade, ou des matériaux usités pour leur décoration. Autant de bijoux qui rappellent que pour faire un travail sur le patrimoine, il faut d'abord avoir de la mémoire. Et qu'il faut, surtout, garder à l'esprit l'exemple de l'ancienne ville de Varsovie. Entièrement rasée par les nazis, celle-ci a été reconstruite grâce à des peintures et à des croquis identiques à ceux des étudiants de l'ENA. Ces derniers n'auraient-ils donc pas mérité d'être exposés en ces jours où le Festival de Casablanca met en scène l'ancienne Médina ?