Un lourd chagrin règne sur le quartier Sidi Moumen, à Casablanca, après la chute mortelle de Youssef Tamer, 9 ans, dans une fosse de la décharge publique : «Zebalat mirican». Visite guidée sur le lieu de la tragédie. Hassan Tamer, résident marocain en Espagne, avait le visage creusé par la fatigue. Il venait à peine de rentrer au Maroc, après un séjour de quatre ans à Saragosse. Comme tous les Marocains d'ailleurs, il devait avoir hâte de retrouver sa famille. Mais le sort en a décidé autrement. Hassan, la quarantaine, venait de retrouver son fils mort. Youssef, 9 ans, a perdu la vie lundi 17 juillet, après une chute tragique dans une fosse creusée au sein de la décharge publique de Sidi Moumen, non loin du domicile paternel. Son compagnon, Si Mohammed, qui n'est autre que son frère, de 5 ans l'aîné du défunt, l'a échappé belle. Il a réussi à se relever d'une autre fosse emplie d'eaux putrides. «Alors que nous dirigions vers notre domicile, j'ai été surpris, avec mon frère, par l'arrivée d'une meute de chiens errants. Nous n'avons eu d'autre possibilité que la fuite. Chemin faisant, je me suis retrouvé dans une flaque glauque. Je me suis démené de toutes mes forces pour la remonter. Reste, le sort de mon frère. Quelques moments plus tard, j'étais persuadé qu'il était mort», raconte le rescapé, l'air traumatisé, tellement il avait peur de se retrouver sur le lieu où il a failli laisser sa peau. Après de longues et inutiles recherches, Si Mohammed est rentré seul pour annoncer la triste nouvelle à sa mère. «Que s'est-il passé ?», crie-t-elle, affolée. La réponse ne sera connue que le lendemain, mardi 18 juillet. Les recherches menées, lundi après-midi, par les sapeurs pompiers n'avaient mené à rien. «Ce fut la plus longue nuit de ma vie», s'attriste la mère. Au lever du jour, les services de la protection civile ont repris leurs recherches. Vers midi, la mort du petit Youssef ne laisse aucun doute. Sa dépouille a, finalement, été repêchée d'une fosse d'à peu près six mètres de profondeur. «L'odeur, décrit un voisin de la famille Tamer, était intenable». Certes. Mais elle ne le serait pas moins que le cocktail putrescent d'une décharge publique vieille de plus de 70 ans ! Une montagne de déchets, datant de la période coloniale, gît, encore et toujours à l'air libre, au milieu de plusieurs autres quartiers résidentiels : Hay Al Baraka, Attacharouk, Hay Errahma, et autres agglomérations de la préfecture Moulay Rachid. «Une catastrophe écologique nous guette», avertit un riverain, regrettant d'avoir élu domicile dans un quartier avoisinant. Qu'en est-il du sort de dizaines de familles entassées dans des baraques de fortune à l'intérieur même des murs encerclant la décharge? Pis que pire. «Nous sommes enterrés vivants au milieu de tonnes de déchets. A cause de ce macabre dépotoir, nos enfants ont, aujourd'hui, de graves problèmes d'hygiène», se lamente un père de famille. Et la responsabilité dans tout cela ? «Nous n'avons cessé de nous plaindre auprès des autorités communales, rien. A part ceci : un jour d'hiver, et suite à de fortes pluies, un bulldozer fit incursion chez nous pour évacuer les eaux diluviennes. Il a laissé une fosse, d'une profondeur de six mètres, qui risque de tout engloutir », prévient-il. Et d'ajouter: « Un jour, au moment du crépuscule, nous avons été surpris par les cris d'une personne qui appelait au secours. En traversant près de chez nous, le sol s'est dérobé sous ses pieds pour se retrouver au milieu de la fosse maudite. Nous lui avons tendu une corde pour le sortir de tonnes de sacs en plastique submergés d'eau glauque». Un véritable guêpier. Un lieu malfamé, aussi. Abandonnée, cette décharge est devenue le « refuge » favori de délinquants de touts bords. Un voisin de la famille Tamer raconte une scène qui a failli tourner au drame, non loin de l'endroit où le petit Youssef regretté avait trouvé la mort. «Alors que les recherches de la victime étaient en cours, nous avons été pris de cours par des cris de stridents. Un clochard s'efforçait d'entraîner une jeune fille au sein de la décharge. Nous avons pu la sauver d'un viol réel», dit-il. Le défunt Youssef, lui, n'a trouvé personne pour le sauver... de sa noyade. Au grand dépit d'un père absent, aujourd'hui inconsolable, de sa petite famille et de tous les habitants du sinistre quartier Sidi Moumen.