La rencontre à Petra, en Jordanie, entre le Premier ministre israélien et le président de l'Autorité palestinienne soulève bien des espoirs alors que la situation demeure tendue dans les territoires. Face aux bavures qui ont causé la mort de civils innocents, aux combats meurtriers entre factions plestiniennes et à la poursuite des tirs de roquettes Kassam sur Israël, les responsables, de chaque côté, sont contraints de chercher une issue à la crise et une solution à l' interminable conflit israélo- palestinien. Les fautes qui ont conduit à la mort, criminelle et inadmissible, d'hommes, de femmes et d'enfants, doivent ouvrir les yeux aux Israéliens et leur faire abandonner leur rhétorique habituelle contre les terroristes auteurs des tirs de roquettes contre Sdérot une localité israélienne proche de Gaza. Ils ne sont pas les seuls à les condamner et à dénoncer leurs conséquences. Dès le 20 juin dernier, Mahmoud Abbas, en appelant à la cessation de ces bombardements, avait ainsi déclaré : «les tireurs porteront la responsabilité des victimes et des dégâts que provoquera l'inévitable réaction israélienne». Des enquêtes ont été ouvertes par le haut commandement de Tsahal, l'armée israélienne dont certains responsables ont été mis en cause par nombre d'analystes et de journalistes. Leur résultat ne changera rien à l'horreur que constituent l'anéantissement famille entière sur une plage de Gaza et la mort d'une dizaine de civils, tués pour s'être trouvés à côté d'une voiture visée par un missile tiré par un hélicoptère israélien. De tels actes sont inadmissibles quoi qu'en pense le ministre «civil» de la Défense israélien qui refuse toute distinction entre chefs militaires et chefs politiques. Pour lui, «il n'y aurait pas de différence entre le Jihad islamique, le Hamas et les Comités de résistance dont la responsabilité est égale à celle de Ismaïl Haniyeh». La spirale de la violence inquiète certains responsables. Des proches d'Ehoud Olmert et Mahmoud Abbas ont ainsi multiplié, ces derniers temps leurs contacts secrets. Ceux-ci pourraient bien expliquer les réactions de certains chefs militaires du Hamas intérieur et de certains officiers de Tsahal, proches de la droite, tous partisans de la politique du pire et prêts donc à favoriser les provocations. Non sans que cela soulève des interrogations dans leur propre camp comme le prouve le débat au sein de l'état-major de l'armée de l'air israélieme à propos des attaques aériennes contre Gaza, attaques dont l'efficacité est remise en cause par certains tandis que d'autres voient dans la «prise en otage» de la population civile une tactique payante. Dans ce contexte, le gouvernement palestinien soumis à la forte pression de la direction extérieure du Hamas, installée à Damas, s'obstine à refuser la ligne politique prônée par l'Autorité palestinienne et son président Mahmoud Abbas. Une politique destinée à obtenir un assouplissement de l'attitude du Hamas envers Israël, et, surtout, envers le Fatah, grand perdant des récentes élections législatives palestiniennes. Même si une date, le 28 juillet, a d'ores et déjà été fixée pour la tenue du référendum palestinien, Ismaïl Haniyeh ne désespère pas d'obtenir l'annulation de celui-ci, qui constituerait un désaveu de son attente et de sa légitimité. De son côté, le chef du gouvernement israélien Ehoud Olmert intensifie son activité diplomatique tous azimuts. Après Washington, le Caire, Amman, Londres et Paris, il s'est rendu à Petra, en Jordanie pour y rencontrer, à l'occasion du «Forum des prix Nobel», le roi Abdellah II et Mahmoud Abbas, représentant d'un peuple palestinien dont un chef, Yasser Arafat, avait jadis obtenu, en compagnie de Yitzhak Rabin et de Shimon Peres, le Nobel de la paix. Profitant d'un petit déjeuner spécialement organisé par le Souverain hachémite, le Premier ministre israélien et le président de l'Autorité palestinienne ont créé la surprise tombant dans les bras l'un de l'autre et en se donnant une accolade fraternelle dont la chaleur et la sincérité ont été remarquées par les observateurs. Excellent spécialiste des relations israélo-palestinienne, Smadar Peri a ainsi noté: «Ce qui a frappé les observateurs, c'est la chaleur de l'accolade. Cette fois, il n'a pas eu besoin d'un tiers pour les pousser l'un vers l'autre». Mahmoud Abbas lui-même a reconnu que «ce fut une excellente prise de contact». Répliquant au Hamas qui condamnait son geste amical «envers le chef de l'entité sioniste à l'heure où le sang palestinien coule â Gaza», il aurait, selon Smader Peri, prédit : «le Hamas finira par reconnaître les frontières de 1967 et l'existence de I'État d'Israël». Car c'est bien de cela dont il est questiom. L'atmosphère de Petra a permis à Mahmoud Abbas et Ehoud Olmert d'envisager la tenue d'un sommet israélo-palestinien avant le 28 juillet prochain. Un sommet précédé par des réunions bilatérales entre experts chargés de préparer cette conférence dont le but est « d'ouvrir les négociations en vue de la fixation du tracé définitif des frontières d'Israël et du futur État palestinien». Aussi donc, Hamas est devant un choix. Acceptera-t-il des frontières telles qu'elles existaient avant 1967 et la guerre des Six jours? Acceptera-t-il de reconnaître formellement l'existence de l'Etat d'Israël ? Acceptera-t-il de faire siennes les recommandations en ce sens de la «liste des prisonniers» élaborées par des représentants de toutes les factions palestiniennes. Le fera-t-il avant la tenue du référendum du 28 juillet, œ qui rendrait inutile ce mutin? Du côté israélien, on multiplie gestes et déclarations. Cité par le quotidien populaire Yediot Aharonot, Ehoud Olmert a ainsi affirmé que les colons de Cisjordanie pourront choisir entre revenir en Israël ou continuer à vivre au sein de l'État palestinien cependant que le ministre de la Défense, Amir Peretz proposait, selon le quotidien Haaretz de «dédommager les colons prêts à quitter volontairement les colonies appelées à être évacuées dans le cadre du plan de redéploiement en Cisjordanie». Soucieux de ne pas attendre le denier moment, comme ce fut le cas lors du retrait unilatéral de Gaza à l'été 2005, le gouvernement d'Ehoud Olmert aurait, selon la presse israélienne, décidé de rendre publique « la carte de ministère avant même le début de négociations ». C'est ce qu'on est en droit de conclure de la publication , dans le Haaretz du 23 juin par Akiva Eldar d'un document, «La base des principes des futures négociations», qui aurait été discuté au sein du Conseil national de sécurité et du ministère des Affaires ètrangères. Ce document parvenu par une «fuite» providentielle dans les mains du journaliste, s'articule : autour de 7 points : 1) Le chef du gouvernement est déterminé à évacuer toutes les colonies situées à l'est de la barrière de sécurité et à se séparer de la population palestinienne. 2) Les divergences entre Israéliens et Palestiniens sont telles qu' il est impossible de parvenir à un accord final dans un avenir proche. 3) Un retrait unilatéral renforcerait les éléments palestiniens extrémistes et se heurterait à une vive opposition en Israël et dans le moule. 4) L'intérêt d'lsraël est de renforcer le camp palestinien pragmatique, favorable à une solution politique négociée du conflit. 5) La «Feuille de route» est le seul plan accepté par toutes les parties. 6) Il est impossible de réaliser la première phase de la «Feuille de route», à savoir le démantélement des organisations teroristes. Il n'est donc pas réaliste de penser pouvoir passer directement à la troisième phase celle concernant notamment le statut de Jérusalem et le problème des réfugiés. 7) La seconde phase de la « Feuille de route », celle prévoyant la création d'un État palestinien à titre encore provisoire, est celle qui susciterait le plus adhésion de l'opinion publique en Israël et dans le monde. Sa mise en oeuvre pourrait renforcer la position d'Abou Mazen, voire, peux-être, permettre au Fatah de revenir au pouvoir. Le document recommande donc d'inciter, par la voie de négociation, Mahmoud Abbas à proclamer un constitution d'un État palestinien provisoire. Une hyopthèse qui est on le sait, rejetée par l'intéressé Abou Mazen a souvent rappelé que les Palestiniens savent que «chez les Israéliens, il n'a rien de plus définitif que le provicoire». Ce document, même s'il n'a encore aucun caractère officiel, marque une étape significative. Pour la première fois depuis la mise en oeuvre par Yitzhak Rabin de la deuxième phase des Accords d'Oslo, le gouvernement israélien s'engage non seulement sur le principe d'un engagement de Cisjordanie mais aussi sur l'évacuation des colonies situées dc l'autre côté de la barrière de sécurité - dont les habitants sont invités soit à s'installer ailleurs soit à rester en place sous souveraineté palestinienne - ainsi que sur la fixation provisoire de frontières avec les Palestiniens en attendant l'hypothétique conclusion d'un accord final. Voilà qui pourrait donner du grain à moudre à certains dirigeants du Fatah tentés, depuis leur défaite aux élections législatives palestiniennes par la relance de cette solution «provisoire ». D'autant, disent-ils que la communauté internationale est à présent en mesure de garantir le passage du provisoire au définitif. C'est bien ce que redoutent de leur côté les Israéliens qui soupçonnent les Palestiniens de vouloir faire de la négociation du provisoire celle du définitif. C'est là tout l'enjeu des tractations qui auront lieu dans les semaines à venir entre les deux camps et à l'intérieur de ceux-ci.