Ayant péri suite à un effondrement de terrain dans une grotte du mont « Kam-Kam » (commune Sidi Ali, Rissani), deux jeunes mineurs n'ont été évacués qu'une semaine plus tard. La lenteur des secours a suscité la colère de la population locale. Une ambiance de deuil, mêlée d'une vive indignation, régnait jeudi soir dernier à Sidi Ali, localité lointaine de Rissani. Alertée par la disparition mystérieuse de deux jeunes mineurs, la population locale a dû mener, depuis le 22 avril, une recherche inlassable pour découvrir enfin que les victimes avaient péri après un malencontreux effondrement de terrain dans une grotte de la montagne « Kam-Kam », située à quelques encablures de la frontière avec l'Algérie. « De retour le soir chez moi, j'ai senti, près du mont Kam-Kam, des odeurs putrides ne laissant aucun doute sur la mort de mes co-villageois», indique un habitant de Sidi Ali, mineur de son état. L'annonce de cette nouvelle tragique a suscité, outre la compassion, une formidable mobilisation chez les quelque dizaines de familles que compte Sidi Ali, en dépit du manque atterrant de moyens. Privés d'électricité, habitants et responsables de Sidi Ali, considéré selon le dernier classement du Haut commissariat au Plan, comme la commune la plus pauvre du Royaume, ont dû galérer pour entrer en contact avec les autorités de la ville de Rissani. « Alertées depuis mercredi soir, les autorités ne sont arrivées, comme vous le voyez, que ce vendredi matin. Dieu sait dans quel état de décomposition se trouveraient les dépouilles des victimes », proteste le vice-président de la commune de Sidi Ali. Même tonalité protestataire chez les habitants, indignés de constater que «leur vie ne vaille pas un clou ». La non-réactivité des autorités après l'annonce de la mort des deux mineurs, Aït Saïd Salem (1970) et Boufi Yahyia (1985), offre ici la preuve scandaleuse de l'indifférence que les autorités de Rissani continuent d'afficher à l'égard de cette localité. Lahcen, propriétaire d'une auberge à Sidi Ali, souligne que l'attitude «irresponsable » des autorités de la ville de Rissani à l'égard des victimes du mont « Kam-Kam » est loin d'être un « cas isolé ». Il cite, à l'appui de ce constat, la mort regrettée, il y a presque un mois, d'un septuagénaire resté suspendu à un puits pendant une longue journée. « Face à ce drame, les autorités étaient restées les bras croisés », déplore-t-il. Et d'ajouter que cette attitude autoritaire bouleversante n'est pas «méritée » par une population qui, malgré des conditions de vie très pénibles, fait encore et toujours preuve de « patriotisme », sachant que, poursuit-il, « l'ennemi algérien » se trouve à deux pas de notre localité. Localité qui, outre le fait qu'elle est frappée par dix longues années de sécheresse, devrait faire face à l'absence des conditions de vie minimales. Pas d'électricité, ni d'eau potable, ni de soins médicaux (pas de médecin encore dans un semblant de dispensaire, seulement un infirmier), ni de barrages dans une localité « à sec » et complètement coupée du… centre de Rissani. «Pour nous approvisionner en nourriture, nous devons parcourir 150 kilomètres de piste. Nous devons donc débourser pour ce déplacement, la somme de 60 dirhams, le revenu d'une journée de travail dans les mines », se plaint un habitant. En plus de la pauvreté, le spectre de la mort continue de rôder à Sidi Ali. La récente disparition des deux mineurs résonne ici comme un triste rappel. Ce qui risque de porter la population à chercher son salut sous des cieux plus cléments.